23.05.2018

I love My Island Dog poursuit sa mission pour les chiens de Saint-Martin

L’association créée par Ursula Oppikofer continue de faire adopter des chiens de Saint-Martin en attendant la reconstruction du refuge.

Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Ursula Oppikofer a toujours eu la passion des animaux. « Je suis née avec ce défaut » avance-t-elle en riant. Avant de préciser : « je dis défaut parce que ça prend toute ma vie. Petite déjà, je ramassais tout ce que je trouvais. On est trois filles avec une mère qui était pareille. Je n’ai jamais vécu sans animal ».

Installée sur l’île depuis trente ans, la sexagénaire d’origine suisse et norvégienne dit avoir fait « dix mille trucs » dans sa vie. Encadreuse, elle a tenu une galerie d’art jusqu’en 2014. « Depuis, j’ai tout installé dans mon garage qui a explosé avec Irma » déclare-t-elle en buvant un café. La terrasse de sa maison surplombe Quartier d’Orléans. A ses heures perdues elle écrit, et elle peint, généralement des animaux. Elle couvre ses toiles de couleurs vives, comme les cloisons des chenils installés dans son jardin. Mais c’est aux chiens orphelins qu’elle consacre le plus clair de son temps.

L’île compte des douzaines de chiens errants, dont de nombreux cocotiers (Coconut Retriever) – nommés ainsi pour éviter de les appeler bâtards des îles. Afin d’y remédier, Ursula crée en 2006 l’association I Love My Island Dog. « Je prenais sans arrêt des chiens chez moi pour les replacer ensuite, à mes frais. » se souvient-elle. Elle espère qu’en créant une association elle recevra de l’aide. « Et puis assez rapidement, tout le monde m’a demandé pourquoi je ne faisais pas un refuge. Alors j’ai entamé les démarches » explique-t-elle. Grâce à une subvention de la COM, qui lui prête également un terrain à Mont Vernon, le refuge ouvre en 2009.

Il est géré par deux bénévoles dont Ursula, et quelques volontaires en va-et-vient. Les frais de fonctionnement sont considérables. « Rien qu’en factures de vétérinaires on en avait pour 2500 euros tranquille tous les mois. Les chiens qu’on recevait étaient souvent malades, et surtout il fallait les vacciner, les identifier par une puce électronique et les stériliser » avance-t-elle. « On a réussi à fonctionner avec les donations des touristes et on est presque devenu une attraction  parce que les Américains adorent les chiens et aimaient notre refuge. Il était un peu comme ça, dans l’esprit Kinder Garden », indique-t-elle en désignant les cages qui occupent son jardin. Et de poursuivre : « il y avait quarante chiens, laissés en liberté lorsque l’on était présents, et les mêmes touristes revenaient chaque année ».

Elle parle au passé parce que le refuge est entièrement détruit depuis Irma. Il ne reste qu’un container au fond du terrain. Une semaine avant le passage du cyclone l’association a lancé des appels à l’aide via Facebook et les journaux pour faire accueillir les quarante chiens chez des particuliers. Grâce à la collaboration avec d’autres associations de l’île, elle a, dans les semaines qui ont suivi, réussi à faire partir un bon nombre de chiens en France et aux Etats-Unis. « On a une page Facebook SXM Coconut Retriever Living in America (& Anywhere Else) sur laquelle les gens nous donnent des nouvelles de tous ces chiens qui sont ailleurs et auxquels on s’était attachés » explique Ursula.

En moyenne, le refuge permettait deux adoptions et demie par semaine. En 2016, 177 chiens ont trouvé un maître, dont 70 aux Etats-Unis. Si plus d’une adoption sur trois est réalisée par un Américain, c’est parce qu’au fil des années, le système s’est bien rôdé. « En huit ans on a fait tellement de connaissances que des gens nous ont pris en sympathie. Notamment l’association Island Puppy Rescue International. ainsi que le groupe Friends of Island Dog, créé exprès. Ces associations nous prennent des chiots et des chiens adultes de petite taille qu’on arrive à faire voyager facilement, pour les placer. On a un très grand suivi sur Facebook. Lorsqu’on a besoin de faire partir un chien à Boston on met un message : « besoin de faire partir un chien à Boston ». On amène le chien vacciné à l’aéroport avec son sac et ses papiers. Il voyage en cabine avec une personne qui s’est portée volontaire pour le prendre avec elle sur son vol. Puis il est remis à la famille d’accueil. Ceux qui récupèrent paient pour le billet du chien. Ça fonctionne super bien ! » assure-t-elle.

Depuis Irma, beaucoup de chiens ont été abandonnés. Malgré la destruction du refuge, Ursula s’est remise debout et continue de prendre des chiots et organiser leur départ vers les Etats-Unis, la France, et parfois même Saint-Barthélemy. « C’est le meilleure chose que l’on puisse faire actuellement. Mais je ne peux pas tout prendre ! » regrette celle qui a déjà renommé ironiquement sa maison : « SXM –USA Transit station ». C’est que, des chiens, elle en a déjà  beaucoup. « Seize au total. Non onze. Dix ? Je ne sais pas combien sont à moi » réalise-t-elle dans un éclat de rire.  Elle soupire : « y’en a qui ne partiront jamais d’ici… ». Puis elle raconte : « Avant j’avais deux chiens, quinze chèvres, un âne, des poules, des cochons, tout ça vivait ensemble ici. C’était génial ! Mais quand j’ai eu de plus en plus de chiens, ça ne se passait pas très bien. Le refuge était tout le temps plein et j’étais obligée d’en ramener chez moi. Les trop vieux, ceux qui sont sourds, ce qui n’ont qu’un œil, trois pattes… Ceux que personne ne veut ».

Gérer les adoptions depuis chez elle est une solution de dépannage mais pas une invitation à venir lui déposer des chiens. Elle redoute d’être envahie. « Le plus gros problème que l’on avait c’était que quand le refuge était plein les gens nous balançaient quand même des chiens par dessus la grille. Il y a eu tellement de trucs : des chiens accrochés à moitié morts, d’autres jetés derrière le portail alors qu’ils avaient la parvovirose et qui ont donc tué d’autre chiens… » se remémore Ursula, dégoutée.

Il faut reconstruire le refuge. Mais ce n’est pas prévu pour l’instant. « Il y a un moment pour tout, moi je fais ce que je peux » affirme Ursula qui comprend parfaitement que les priorités de la COM sont ailleurs. « Je suis en contact avec les responsables de la fourrière qui sont en attente » ajoute-t-elle. Le terrain de la COM sur lequel l’association avait aménagé le refuge était destiné à l’origine la fourrière qui risque devoir s’y installer puisque les locaux situés près de l’aéroport de Grand Case ont été endommagés par Irma. Par ailleurs, ce terrain n’est pas constructible. Et cette fois, le refuge doit être construit en dur. « Si je n’avais pas réussi à donner les chiens, ils seraient tous morts » souligne-t-elle.

Selon elle, même si cela signifie travailler dur, bénévolement, sept jours sur sept, s’occuper des animaux est une nécessité. D’autant plus pour une île touristique. L’association a l’habitude de recevoir des mails de touristes indignés d’avoir vu beaucoup de chiens errants. Pour argumenter son propos elle cite Gandhi : « on peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités ».

L’association est toujours aussi active mais a changé son mode de travail. Elle fonctionne avec des familles d’accueil et n’en a jamais assez. « Nous cherchons des volontaires pour loger les chiots entre le moment où ils sont trouvés et celui où ils partent, le temps de les vacciner. Nous fournissons la nourriture, la cage et la laisse » précise-t-elle.

Fanny Fontan