21.06.2016

Quand le besoin d’une préfecture de plein exercice est indirectement suggéré

Le déplacement de l’ensemble des services de la préfecture de Guadeloupe à Saint-Martin n’a-t-il pas traduit le besoin d’installer une préfecture de plein exercice à Marigot ?

En consacrant un comité d’administration régionale uniquement à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy ainsi qu’en le délocalisant à Marigot, le préfet de Région a voulu témoigner de la volonté de l’Etat à être «au service des îles du Nord». «Les services de l’Etat en Guadeloupe sont mobilisés sur Saint-Martin», a assuré Jacques Billant. Mais jeudi dernier, c’est surtout Saint-Martin qui a mobilisé les services de l’Etat.

En effet, aux côtés de Jacques Billant se trouvaient le recteur, la préfète déléguée à la cohésion sociale, les directeurs de l’Insee, de l’environnement, de la mer, de l’agriculture, du travail, des affaires culturelles et de la jeunesse. Sans oublier les services de la préfecture de Saint-Martin. Une grosse délégation – et des non moindres- avait donc fait le déplacement pour ne parler que de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Une marque de considération à double tranchant. Outre l’implication du préfet et de ses équipes, ne prouve-t-elle pas surtout la nécessité et l’intérêt d’une présence physique plus accrue des services de l’Etat dans les Îles du Nord ? Interrogé à ce sujet, le préfet a botté en touche. Pouvait-il faire autrement ? Il est difficile d’admettre une situation qui ne peut être concrétisée faute de moyens financiers. Ce serait aussi avouer une lacune depuis 2007. Jacques Billant s’est cantonné à rappeler que Saint-Martin comptait parmi ses préoccupations.

Il a en outre insisté sur le fait que deux emplois avaient été créés au sein de la préfecture de Saint-Martin faisant de celle-ci «l’une des rares en France» à voir ses effectifs augmenter. Néanmoins faut-il rappeler que l’un des postes les plus importants, celui de secrétaire général, est vacant depuis le mois d’octobre 2015. Mathieu Doligez n’a toujours pas été remplacé ; l’intérim est assuré par le chef de cabinet, Emmanuel Effantin*.

Par ailleurs, le recteur Camille Galap en a profité pour rebondir sur la demande récente du député Daniel Gibbs de créer un vice-rectorat à Saint-Martin. «Il n’y aura pas de rectorat à Saint-Martin… Il y a trop de secteurs dans un rectorat pour pouvoir en installer un à Saint-Martin. Mais il y aura, comme le ministère l’a annoncé, une direction académique», a-t-il expliqué.

Les deux hommes ont voulu rassurer ceux qui reprochent «le manque d’autonomie et d’indépendance» de Saint-Martin. Manque d’indépendance ou trop grande dépendance vis-à-vis de la Guadeloupe ? Car c’est bien cette dépendance le problème. Si elle est certainement facilement gérable en Guadeloupe, elle l’est beaucoup moins dans les Îles du Nord par les administrations et les entreprises qui assurent une mission de service public. Pour toutes décisions importantes, elles doivent s’en référer à leur direction en Guadeloupe. Pour pouvoir acheter une rame de feuilles de papier, elles sont obligées d’envoyer un bon de commande en Guadeloupe. La situation est peut-être exagérée, mais pourtant bien réelle.

«En nous accordant une direction académique, on nous donne encore plus de tutelle ! », a commenté Daniel Gibbs au sujet de la réponse du ministère. «Il faut faire entrer dans les esprits des décideurs parisiens que la Guadeloupe et Saint-Martin sont deux entités différentes», estime-t-il.

LATENCE ADMINISTRATIVE

La semaine dernière, la présidente Aline Hanson n’a pas manqué l’occasion qui lui était offerte de rappeler «cette réalité». «Même si cette rencontre est un signe fort au bénéfice du territoire, je me dois de rappeler - au moins symboliquement - cette réalité. Cette centralisation des services en Guadeloupe est un des motifs d’une certaine latence administrative qui a tendance à ralentir nos actions», a-t-elle déclaré. Et de préciser : «cette absence sur le territoire rend pour les élus et techniciens l’accès difficile aux échanges avec vos services et à leur mission d’appui et de conseil aux collectivités. Je pense notamment à la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt ou à la Direction de la Jeunesse et des Sports qui n’ont pas de représentation à Saint-Martin. Il y a également des secteurs ou des missions de service public pour lesquels nous attendons une présence de l’Etat plus affirmée et mieux dimensionnée. Je pense particulièrement aux services de contrôle et recouvrement de l’impôt, au vice-rectorat, à l’Insee.»

Aline Hanson a été claire : «nos administrés ne bénéficient pas de la même continuité du service public que dans les autres collectivités, quelle que soit leur taille.» Dans sa proposition de révision de la loi organique, la COM a inscrit comme «sujet prioritaire» la «question d’une préfecture de plein exercice pour Saint-Martin».

 

*Le poste de secrétaire général Selon une volonté de l’Etat, le poste de secrétaire général sera occupé par un sous-préfet à Saint-Martin. Sa nomination par décret n’a pas encore lieu. Elle devrait intervenir dans les semaines à venir.

Estelle Gasnet