12.09.2017

Irma : les inquiétudes au sujet de l'insécurité

«On est rassuré car on nous dit qu’on est en sécurité depuis deux jours», confie Sophie à sa fille au téléphone. Sur un ton ironique. Sophie ne sent pas en sécurité. Malgré les 1 900 forces de sécurité (toutes confondues) déployées par l’État sur Saint-Martin. Sophie est horrifiée par les pillages. «Durant le passage de l’œil du cyclone mercredi matin, on a vu des hommes, des femmes et des enfants aller piller les boutiques à Marigot», raconte-t-elle. «Encore aujourd’hui [mardi], j’ai vu des boutiques rue du général de Gaulle dont les volets roulants ont été forcés», poursuit-elle.

La directrice générale de Dauphin Télécom était elle aussi désemparée deux jours après Irma : "Tout ce qu'on entreprend le matin, est détruit le soir. Notre groupe électrogène a été volé ! Il faisait trois tonnes !".

«Je veux dormir dans la maison même si elle est à moitié détruite pour être sûr que personne ne va venir la nuit», confie Thierry dont la famille est hébergée par des amis. «Dimanche après-midi, sur la route des Terres basses, j’ai vu quatre individus qui sortaient d’une maison et montaient dans une voiture et ils ne ressemblaient pas aux propriétaires ! », raconte de son côté James.

«On ne sera resté sans coup de feu que deux jours», commente pour sa part Fred. «Normalement, un couvre feu est instauré de 19 heures à 6 heures. Rien que cette nuit [dimanche], une semaine jour pour jour après l’ouragan, j’ai compté 150 véhicules passer sous mes fenêtres ! Juste après les coups de feu vers 20 heures, deux gendarmes passaient, mais ils n’étaient que deux ! Ils ne pouvaient pas grand chose. Leurs collègues ont mis un quart d’heure à arriver. Et pendant ce temps, les voitures continuaient à passer. Deux personnes sont passées sur un scooter les bras pleins de sacs !», continue-t-il de raconter. «Au bout d’une semaine, il ne se passe presque rien», lâche-t-il.

Dès son arrivée aux Antilles mardi matin, président Emmanuel Macron a condamné ces pillages.

«Il y a pillages et pillages. Certains volent pour survivre car la population n’a rien et ne sait rien», estime John faisant allusion aux vols de carburants dans les voitures endommagées. «Hier soir [samedi], j’ai vu des individus qui commençaient à voler l’essence dans la voiture de ma femme. J’ai crié et ils sont immédiatement partis en laissant leur matériel. Du coup je l’ai utilisé pour pomper son essence et la mettre dans notre autre voiture non endommagée», raconte Pascal. Il est facile de voir les véhicules qui ont été pillés : la porte du réservoir est fermée mais le bouchon pend.

Les roues sont aussi très prisées. En effet, les premières voitures qui ont pu circuler ont rapidement vu leurs pneus crever par des clous projetés un peu partout lors de l’ouragan. Et la solution pour réparer est de voler la roue d’une autre voiture. À de nombreux véhicules, il manque une roue.

Des trafics se sont aussi organisés. «Un ami a acheté un bidon d’essence le double à des jeunes», rapporte Pierre.

«Maintenant que tout a été pillé, il ne reste plus rien à prendre. Ce que je crains désormais c’est la violence», confie Martin qui a peur de la formation de nouveaux gangs. «Des quartiers entiers sont détruits. Tous les jeunes vont faire quoi ? », s’interroge-t-il.

Estelle Gasnet