12.07.2017

Portrait de Rita Carel, avant son départ à la retraite

Evelyne Fleming, chargée de mission au service de l'éducation nationale, a rédigé les portraits de huit membres de l'éducation nationale qui partent à la retraite cette année. Cinq d'entre eux seront mis à l'honneur par la Collectivité jeudi 13 juillet à 19h30 au centre culturel de Sandy Ground. Voici le premier de ces portraits, publiés par ordre alphabétique sur le site du service de l'éducation, celui de Rita Carel.

Rita Carel rêvait de devenir professeur de lettres. Et pour cause, elle adorait lire et s’adonnait à son passe-temps favori même lorsqu’il fallait s’aider d’une lampe de poche à l’extinction des lumières de la maison familiale. Excellant dans la discipline, elle changera pourtant d’idée au moment de passer le baccalauréat et optera pour une poursuite d’études en psychologie.

Quittant sa Martinique natale pour poursuivre des études post-bac à Toulouse, c’est en Guadeloupe qu’elle se rendra au bout de deux ans. En effet, suite à un appel téléphonique de sa mère, la jeune fille usant d’obéissance se pliera aux volontés maternelles et se présentera au concours de recrutement des élèves-maîtres en Guadeloupe. Celui-ci ayant été suspendu en Martinique pendant un certain nombre d’années, elle fréquentera donc l’école normale de Pointe-à-Pitre dès 1980 et fera partie de la première promotion à obtenir le DEUG des instituteurs. Elle se souvient de l’obligation d’animer, dès la fin de la première année, un stage de deux à trois semaines pendant les grandes vacances à destination d’une colonie de vacances. Le goût des apprentissages, le plaisir de travailler, la rigueur, la discipline et le respect de l’autre sont tout autant d’acquis, datant de ses années de couvent, qui lui serviront encore et encore.

Sa première affectation en 1982 la mènera aux Saintes, plus précisément à Terres de Haut où elle dirigera pendant cinq ans l’école maternelle.  Puis de 1987 à 2006, elle se verra confier celle des Abymes, Hilarion Léogane. De 2006 à 2008, elle choisira d’enseigner à des enfants autistes dans la CLIS de l’école de Grand-Camp, attirée par cette problématique à laquelle elle avait été fortement sensibilisée lors de ses études de psychologie. L’année suivante, une mission sur la maîtrise des langages lui sera confiée dans trois écoles maternelles des Abymes.  Nommée à un poste d’adjointe à l’école maternelle de Dothémare en 2009, elle prendra la tête de cette dernière deux ans après. De 2012 à 2014, elle retrouvera avec joie Les Saintes, terre de sa première affectation, où elle prendra encore plus de plaisir à enseigner car en face d’elle, elle aura les enfants de ses premiers élèves de l’époque. Elle se revoit traversant le bourg de Terres de Haut et entend encore une fillette criant à sa mère en la pointant du doigt « Maman, maman, voici la maîtresse de papa ! » et la mère de corriger « La maîtresse d’école de papa, chérie » ce qui ne manque pas de la faire éclater de rire. Son expérience saintoise marquera sa carrière car elle est caractérisée à la fois par la convivialité et le sentiment de sécurité. L’année qui précédera son départ de la Guadeloupe, elle la passera une fois de plus en poste à Dothémare.

C’est finalement à Saint-Martin que Madame Rita Carel viendra mettre un point final à sa carrière et aujourd’hui, elle ne regrette point d’avoir vécu cette nouvelle expérience. Elle y passera deux années enrichissantes même si elle avoue s’y être sentie impuissante et perturbée face aux difficultés sociales de parents accueillants et bienveillants qui continuent de croire en l’école et la respectent. « Il est malheureux de constater que certains élèves avant d’être enfants sont adultes » confie t-elle « Force est de remarquer qu’il n’y a pas de réelle prise en charge de ces enfants, les structures adéquates à ce type de public faisant cruellement défaut sur le territoire ». Toutefois, elle réalise la chance qu’elle a eue d’avoir de très bons enseignants, ponctuels, assidus, investis et motivés. Certains ont une baguette magique pour transformer des comportements, des vies et elle en veut pour preuve le témoignage d’un élève de CM2 que l’école a réussi à métamorphoser : « J’aime beaucoup ma maîtresse, mes camarades de classe et j’ai peur de passer en 6ème ! » a t-il affirmé en fondant en larmes, lors de la cérémonie des « graduations ». Madame la directrice rappelle qu’avant d’avoir affaire à des élèves, on a affaire à des enfants et souligne que ces derniers ne connaissent pas la rancune.

Au bout de son parcours professionnel, la directrice de l’école élémentaire Émile Choisy, qualifie le directeur d’école comme étant avant tout un être humain à qui certaines choses peuvent échapper. Pendant toute sa carrière, elle n’a eu de cesse de chercher la baguette magique du directeur d’école et conclut avec un large sourire « Je crois que le recteur qui m’a nommée à mon premier poste de directrice a oublié de la glisser dans l’enveloppe contenant mon arrêté de nomination ». Toutefois, elle s’est attachée à privilégier la fermeté et la transparence dans son fonctionnement et demeure ouverte aux remarques : « si je comprends et tolère un certain nombre de choses, il y en a d’autres que je ne peux accepter ». Tout au long de son parcours professionnel elle a fait de la sécurité sa priorité et n’a jamais baissé la garde en veillant toujours à être réactive.  Les enseignants, de son point de vue, doivent être tout aussi concernés par ce sujet en évitant de rester dans leurs salles aux heures d’accueil des élèves, par exemple.

Rita Carel est soucieuse de boucler son ultime année sans rien omettre ce qui explique l’état de stress dans lequel elle se trouve actuellement et c’est avec une grosse émotion qu’elle dévoilera son appréhension de passer une dernière fois la barrière de son école. Elle anticipe également le pincement au cœur qu’elle aura à l’annonce de la prochaine rentrée des classes et sait qu’elle ne pourra s’empêcher d’avoir une pensée particulière pour les élèves et les enseignants.

Madame Rita Carel, vous avez fait honneur à cette mère issue d’un milieu modeste et d’une famille nombreuse qui rêvait d’être enseignante et vous l’avez préparée et accompagnée au certificat d’études alors qu’elle était âgée de 43 ans. Votre retraite mérite d’être sous les signes du repos, de la joie et de la longévité et tout un chacun devrait méditer vos mots de conclusion : « je crois fortement aux pouvoirs de l’École et de l’éducation. Je pense très sincèrement qu’elles peuvent changer l’Homme et je trouve dommage quelques fois que des parents n’aient pas pris conscience de cela. Dans certains pays où il y des conflits armés ou qui sont en guerre, des enfants, aux risques de mourir, font des kilomètres pour aller chercher l’éducation. Quand on l’a, à portée de main, c’est dommage de ne pas faire ce qu’il faut pour en profiter pleinement ! ». Tous les membres des services de l’éducation nationale de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin vous souhaitent une paisible et longue retraite !

Source : site du service de l'éducation nationale

Anonyme