01.01.2016

EEASM : négocier une nouvelle baisse du prix de l'eau et augmenter la surtaxe

La Chambre territoriale des comptes a rendu public le 30 septembre 2015 son dernier avis sur la situation financière de l'EEASM.

Depuis 2007, le compte administratif de l'établissement des eaux et de l'assainissement de Saint-Martin (EEASM) est examiné par la Chambre territoriale des comptes (CTC)* et, chaque année, l'avis rendu est le même : le compte administratif de l'eau présente un déficit et celui de l'assainissement un excédent. Seuls les montants changent d'une année à l'autre. En 2014, ils étaient respectivement de quelque 4,47 millions d'euros et de 971 140 euros, soit un déficit cumulé global de 3,5 M€. Contre -9,46 M€ et 210 505 € en 2007 et un déficit de 9,2 M€.

UN DÉFICIT DE 15 M€

Depuis sa création en 2006, les comptes de l'EEASM sont négatifs car la Collectivité a reporté un déficit de 15 M€ relatif au coût excessif de production de l'eau potable, un déficit hérité de la commune qui n'avait jamais été dans la capacité de le combler (lire par ailleurs). De son côté, la Collectivité essaie de limiter cette hémorragie financière : en 2011, le déficit global consolidé de l'EEASM représentait en effet 618 % des recettes réelles de fonctionnement ; celui de l'eau 1 393 % (le taux maximum autorisé étant de 5 %). La COM a octroyé ainsi une aide à l'établissement des eaux à hauteur de 1,7 M€ en 2007 et une avance remboursable de 3 M€, avance qui s'est transformée en dotation. La COM a en outre assumé jusqu'en 2014 les charges de personnel**.

De plus, un plan pluriannuel de rétablissement a été mis en place par l'EEASM qui a fourni des résultats positifs. Néanmoins, la CTC demande à l'EEASM d'aller encore plus loin dans ses mesures de redressement. «L’établissement doit poursuivre ses efforts pour dégager des marges de manœuvre supplémentaires sur les coûts de production et de distribution de l’eau potable et faire ainsi diminuer le prix de l’eau potable afin de pouvoir augmenter le montant de la surtaxe et financer ses investissements», écrit-elle dans son dernier avis. De plus, elle «invite le conseil d’administration de l’EEASM à poursuivre la renégociation de certaines dispositions des contrats pour assurer une meilleure transparence et une incitation à la baisse des coûts de production d’eau potable». Et s'il réussit à faire baisser le prix de l'eau, la Chambre territoriale des comptes «demande de procéder à une augmentation du taux de la surtaxe (perçue par la Générale des Eaux, lire par ailleurs NDLR) à un niveau permettant de poursuivre l’apurement du passif de l’EEASM et de financer les investissements à venir».

* Le compte présentant un déficit supérieur à 5 %, le préfet a pour obligation de saisir la Chambre territoriale des comptes selon le code général des collectivités territoriales.

** Durant plusieurs années, la prise en charge directe par le budget de la COM du personnel travaillant au sein de l’EEASM a été dénoncée par la Chambre territoriale des comptes qui tentait de faire admettre qu'il «n’appartient pas au contribuable de compenser le coût de l’eau pour l’usager du service d’eau potable, même si ce sont parfois, mais pas toujours, les mêmes personnes qui sont à la fois contribuables et usagers». A noter qu'en 2014, ces dépenses de personnel (70 000 €) ont été inscrites au budget de l'EEASM.

 

LES RAISONS DU DÉFICIT

En 1985, l'usine de production d'eau potable, l'Union Caraïbe de dessalement d’eau de mer (Ucdem) est mise en service. Elle produit l'eau, la vend à la commune qui la met à disposition de la Générale des Eaux, laquelle la distribue aux consommateurs. Le coût de production est très cher «en raison du procédé choisi pour le dessalement (thermo-compression) et des marges importantes de la société Ucdem», indique la Chambre territoriale des comptes. La commune achète l'eau à un tarif bien plus cher (entre 4,17 et 5€) que celui pratiqué auprès des consommateurs (3,40 € en moyenne le m3) par la Générale des Eaux qui assure la distribution pour le compte de la commune. Pour autant, ce schéma fonctionne très bien durant des années : la GDE n'est pas perdante car elle n'achète pas l'eau directement et la commune de Saint-Martin accepte le tarif de l'Ucdem car elle perçoit une subvention qui lui permet de compenser, de la part du Conseil régional de Guadeloupe, la fameuse subvention au titre des îles sèches dite coefficient K. Seulement en 1998, la Région décide de supprimer cette subvention. La commune de Saint-Martin doit ainsi prendre à sa charge 100 % du coût de revient de la production d'eau, ce qui a un impact immédiat et abyssal sur son budget qu'elle ne réglera jamais puisqu'au 31 décembre 2006, le déficit généré par ce tarif excessif d'achat de l'eau atteint 15 M€. Un déficit que l'EEASM tente encore aujourd'hui de résorber et qui l'interdit de réaliser les investissements nécessaires sur les installations.

LA SURTAXE DE LA GÉNÉRALE DES EAUX

Tant que la commune achetait l'eau pour la mettre à disposition de la Générale des Eaux, tout se passait bien. Mais en 2006, la GDE passe un contrat d'affermage avec la commune/COM et achète en direct l'eau à l'Ucdem (en plus de la distribuer), à un tarif toujours très élevé et l'entreprise ne peut pratiquer la même politique que la commune. Aussi est-il convenu de réduire le montant de la taxe que la GDE verse à l'EEASM dans le cadre de son contrat d'affermage et qu'elle prélève après des consommateurs dans le but de réduire les coûts de l'entreprise et le prix facturé aux abonnés. Lobjecti est atteint mais les recettes de l'EEASM ne sont pas renflouées. A titre indicatif, le produit de la taxe* s'élevait en 2011 à quelque 580 000 euros contre 4,5 M€ en 2005. C'est pourquoi la Chambre territoriale des comptes demande chaque année via ses avis, de réviser le montant de cette surtaxe pour permettre à l'EEASM de voir ses recettes croître.

* La surtaxe est en 2011 de 0,18 pour la tranche 0-15 m3 et de 0,25 pour la tranche 31-45 m3 contre 1,66 et 5,60 avant le 1er juillet 2006.

Estelle Gasnet