Briser le silence sur la soumission chimique à la Maison des femmes de Saint-Martin
La honte a-t-elle changé de camp ? C’est la question à laquelle Antoine A.Camus, avocat de Gisèle Pelicot, a répondu ce vendredi 20 juin, lors d’une conférence sur les violences sexuelles à la Maison des femmes. «L’affaire des viols de Mazan a bouleversé les consciences et marqué un tournant dans la lutte des violences faites aux femmes. Il est difficile de se mettre à distance, ce dossier dit quelque chose de nous tous» déclare en introduction l’invité principal. «Gisèle Pelicot n’a pas seulement fait ce marathon judiciaire pour elle-même, elle l’a aussi fait pour que les choses évoluent, pour que les lignes bougent» continue-t-il.
Organisé par les dirigeants de la clinique Manioukani, les docteurs Pierre et Corinne Sainte-Luce, et en présence de Xavier Sicot, procureur de la République, de Marie-Lucie Godard, vice-procureure et de Michel Vogel, président du Medef, cet évènement avait pour objectif de revenir sur la soumission chimique, technique qui consiste à droguer une personne à son insu ou sous la menace à des fins délictuelles ou criminelles. Dans le cas des viols de Mazan, Dominique Pelicot a drogué son épouse, pendant une dizaine d’années, pour qu’elle soit violée par des hommes recrutés sur internet. À l’issue de quatre mois de procès public, 51 hommes ont été accusés et 46 ont été reconnus coupables de viol aggravé, deux de tentatives de viol et deux d'agression sexuelle. En tout, la victime a subi plus de 200 viols -filmés- par des hommes âgés de 20 à 70 ans. Du chômeur au chef d’entreprise, en passant par l’ex-policier, ces hommes incarnent le profil de «Monsieur-Tout-Le-Monde». 20 restent encore inconnus.
Ignoré jusqu’à présent dans le cadre intra-familial, ce mode opératoire était un angle mort dans la prévention et la répression de ces crimes. «En ouvrant les portes de l’audience, en affrontant ses violeurs la tête haute et en faisant le sacrifice de son intimité avec le visionnage de toutes ces vidéos, le souhait de Gisèle Pelicot était que la société se saisisse collectivement de ce dossier exceptionnel pour mener une réflexion de fond sur ce qu’est le consentement et l’attention portée à l’autre. En espérant, demain, co-construire sans opposition entre les sexes, un nouveau vivre ensemble» souligne Antoine A.Camus.
Un sujet qui résonne aussi à Saint-Martin où la thématique de la soumission chimique est présente. «L’île est assez festive, avec son lot de débordements et d’agression. La Maison des femmes, ainsi que l'association France Victimes, ont déjà eu à accompagner certaines victimes de viol et d’agressions sexuelles, qui avaient reçu, à leur insu, certaines substances. Notre volonté est de sensibiliser le grand public à la vulnérabilité chimique, et déterminer certaines anormalités tel les black-out, afin de les inciter à demander de l’aide» conclut Sibel Aydin, directrice de l’établissement.