24.01.2024

Un jeune sur deux de 14-17 ans avoue être un peu, voire totalement addict à leur téléphone

Les services de l’Education nationale (EN) de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont lancé le 15 janvier une campagne de prévention et d’information pendant un mois afin de lutter contre les risques liés à l’usage des écrans et des réseaux sociaux auprès des enfants et adolescents. En ce sens, une enquête a été menée par les services de l’EN auprès des élèves de la grande section, CM2, 6e, 3e, seconde et terminale des deux îles. 

Elle a été réalisée en décembre dernier et a ciblé 2 960 élèves, 1 288 ont répondu anonymement. L’analyse de ces résultats démontre une addiction réelle des jeunes et moins jeunes aux écrans, parfois « choquants ». « Il y a des impacts importants sur le cognitif des enfants et cette surexposition aux écrans impacte la réussite scolaire de ces enfants », indique Olivier Beaufour, chargé de mission auprès du vice-recteur et en charge de l’enquête. 

C’est le soir que le téléphone est le plus utilisé. Il est la cause du manque de sommeil identifié parmi de nombreux collégiens et surtout lycéens, ce qui conduit l’élève à être moins opérationnel en cours le lendemain. Et là, « Saint-Martin ne se distingue pas de l’Hexagone, nous sommes tous dans le même bateau face à cette problématique sociétale », poursuit Olivier Beaufour.

Vers l’âge de 5 ans, on remarque que près d’un élève sur trois possède déjà un portable, soit 30%, « c’est assez choquant », exprime le chargé de mission auprès du vice-recteur. 70% des élèves de 10 ans déclarent posséder un mobile et tous les adolescents en ont un. La télévision également présente dans quasi tous les foyers aujourd’hui représente aujourd’hui moins d’intérêt pour les enfants qui grandissent, puisqu’elle est remplacée par le téléphone. « Ce sont les plus jeunes enfants qui regardent la télévision (TV) avant d’aller à l’école (car ils n’ont pas de mobile) », précise l’enquête. Après l’école, ce grand écran est regardé par près de 80% des collégiens. Les lycéens, eux, préfèrent le smartphone.

Si les écoliers sont majoritairement dépourvus de mobiles, c’est au collège que l’utilisation double. Elle continuera d’augmenter jusqu’à l’âge adulte. Les enfants de CM2 et sixième passent entre 1h et 3h par jour sur leur mobile. Ce temps augmente de près de 10% entre 10 et 11 ans. Dès l’âge de 14 ans, plus d’un élève sur trois passe plus de 5-6h par jour, voire plus sur leur mobile. 

Entre 11 et 17 ans, le « plaisir » est la principale cause de l’augmentation des temps d’exposition à l’écran, avant la nécessité. Un jeune sur deux (voire les deux tiers dans certains cas) déclare utiliser les écrans parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire et seuls 30% des enfants de 10 ans déclarent pouvoir se passer d’un téléphone. 

Concernant leurs usages, les écoliers utilisent leur mobile principalement pour jouer et pour regarder des vidéos. Il devient un réel outil de communication à partir du collège, voire l’unique. Autrement dit, tous les enfants et jeunes (de 5 à 17 ans) préfèrent jouer seuls ou avec leurs amis. C’est au collège que le téléphone remplace la plupart des jeux, entre 11 et 14 ans, trois fois plus d’élèves le préfèrent aux autres activités. Près d’un quart, des adolescents de 14 à 17 ans préfèrent ne rien faire. 

Sur ces « activités », trois applications se démarquent, Youtube, pour les enfants de moins de 11 ans, WhatsApp, pour les jeunes de 11 à 17 ans et Instagram, à partir de 15 ans environ. Facebook a peu de succès parmi l’ensemble des élèves, tous âges confondus. Snapchat apparaît dès l’âge de 11 ans. Les lycéens communiquent uniquement avec WhatsApp et Instagram.

« Là ou ça devient inquiétant, c’est lorsqu’on demande à ces jeunes s’ils ont déjà été confrontés à des contenus violents, inappropriés ou à caractère sexuel et l’évolution est impressionnante », rapporte Olivier Beaufour. Le risque de visionner des contenus violents est multiplié par 4 entre 10 et 17 ans. Un lycéen sur deux déclare y être confronté. Même évolution, si près de 90% des écoliers n’ont pas visionné de vidéos à caractère sexuel, le risque est constant, un jeune sur deux en a visionné avant 18 ans.

Un autre aspect important de cette enquête est le cyberharcèlement et les insultes à travers les réseaux sociaux, les messages, etc. Le smartphone peut devenir ici « un instrument de destruction massive et plus les smartphones évoluent, plus les harceleurs ont une palette large », indiquait un avocat spécialisé en droit des nouvelles technologies dans les colonnes de Ouest-France. Plus d’un enfant sur trois à l’âge de 10 ans, s’est déjà fait insulter par le biais d’un téléphone. Le risque semble diminué avec l’âge, mais cela pose la question de la fiabilité des déclarations au regard d’un sujet sensible. 

Le dernier aspect qu’a voulu chercher l’Éducation nationale dans son enquête, est la conscientisation des élèves sur l’écran et les résultats sont « révélateurs ». Un élève sur deux a conscience de passer « trop de temps » devant les écrans. Au fil du cycle 4, le temps d’exposition augmente considérablement et près des deux tiers des jeunes en ont conscience. À 11 ans, ils sont deux fois plus nombreux à avouer ne pas pouvoir s’en passer. 85-90% des collégiens déclarent pouvoir se passer de leur téléphone quelques heures voire plus. Un jeune sur deux de 14-17 ans, avoue être « un peu » addict, voire totalement !

Enfin, « les résultats de cette enquête apportent des éléments nouveaux, comme le poids des alternatives aux écrans, les causes et les raisons de leurs utilisations. Elle permet de mettre en évidence l’évolution des comportements entre 5 et 17 ans : de comprendre les tendances, parfois inverses, ainsi que les impacts positifs et négatifs selon l’âge et le niveau d’étude », reconnaît Olivier Beaufour. 

Ainsi, selon lui, cette enquête doit désormais permettre aux acteurs de l’éducation de s’approprier tous les résultats afin de les analyser au regard des fonctions de chacun, l’interprétation est libre. « Elle peut donner lieu à des analyses différenciées selon la place (élève, parent, enseignant, encadrant, décideur) que nous avons dans l’écosystème éducatif ».

De plus, « ces résultats pourront aussi et surtout servir de support pour d’éventuelles séquences pédagogiques, débats, sessions de formation. Ils contribueront, j’en suis sûr, à enrichir la territorialisation de l’action publique dédiée à la prévention et à la protection contre toutes les addictions. Cette enquête est donc la première étape d’une série d’actions visant à limiter les temps d’exposition et à favoriser les bons usages des écrans », conclut-il. 

Siya TOURE