20.03.2018

Les subventions de l’Etat, «c’est pas automatique»

Le délégué interministériel à la reconstruction a souhaité lors d’une conférence de presse recadrer certains propos.

Lundi 12 mars à Paris, lors du cinquième comité interministériel, le gouvernement indique que «l’Etat et ses opérateurs financeront un tiers des investissements de la Collectivité, correspondant notamment à la reconstruction de quatre écoles, d’une salle omnisports, de tous les réseaux électriques et à la rénovation d’une partie du parc de logement social». Et d’ajouter : «avec ces nouvelles mesures d’investissement, l’engagement total des pouvoirs publics en faveur des îles du Nord après Irma avoisinera 500 millions d’euros, soit plus de 11 000 euros par habitant».

A l’issue de ce comité, le président de la COM Daniel Gibbs confiait «sa déception». Il attendait un engagement plus fort de la part de l’Etat, notamment au niveau de la reconstruction des écoles ; l’Etat apporte seulement 15 millions d’euros sur les 33,5 millions nécessaires. Daniel Gibbs aurait aimé des «dispositifs exceptionnels» au regard de la «situation exceptionnelle» après Irma. «Le président de la République avait dit qu’il allait bousculer les normes», rappelle-t-il. «Au final nous avons accès à des aides de droit commun, des aides auxquelles on avait déjà droit, auxquelles n’importe quelle collectivité a droit», commente Daniel Gibbs.

L’engagement de l’Etat est apparu insuffisant. En mettant en exergue les sommes de 500 millions ou de 300 millions pour la gestion de crise, il apparaît comme avoir voulu enjoliver la situation et la tirer à son profit. Or, il a semblé normal que l’Etat aide Saint-Martin dévastée par l’ouragan le plus puissant jamais enregistré dans les Antilles françaises. Et bien non. Aussi Philippe Gustin a-t-il remis les points sur les i.

Parce que Saint-Martin est une collectivité relevant de l’article 74 de la Constitution française, donc une collectivité ayant ses propres compétences dans certains domaines (fiscalité, urbanisme, logement, etc.) elle ne relève pas de tous les dispositifs de droit commun. Autrement dit, l’Etat n’était pas obligé d’intervenir comme il l’a fait au lendemain d’Irma. Il n’était, par exemple, pas obligé de dépenser 300 millions d’euros pour gérer la situation de crise. Si une telle catastrophe arrivait en métropole, quelle serait la contribution financière de Saint-Martin, demande Philippe Gustin, puisque les Saint-Martinois et les Saint-Martinoises ne paient pas d’impôts en France métropolitaine.

«Les finances de l’Etat sont celles qu’elles sont», or, dans ce contexte budgétaire, il a octroyé près d’un «demi milliard d’euros» pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, souligne le délégué interministériel. «L’Etat aurait aussi pu demander à ce que ses factures soient remboursées par le fonds de solidarité de l’Union européenne», note Philippe Gustin. Pour rappel, l’Europe a accordé 46 millions d’euros à Saint-Martin au titre de ce fonds et «l’Etat a laissé le tirage exclusif à la COM», précise le gouvernement. Il lui laisse donc la totalité de ce fonds et la liberté de l’utiliser comme elle le veut. Ce qui, donc, n’était pas une obligation.

«Le droit commun ne veut pas dire automatique», explique Philippe Gustin, fonctionnaire depuis quarante ans et toujours animé de cette volonté de vouloir «défendre l’intérêt général». «Mais l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers», précise-t-il.  L’Etat veut aider à la remise debout d’une «économie réelle, pas d’une économie assistée». «C’est aux Saint-Martinois et aux Saint-Martinoises de reconstruire Saint-Martin, pas à l’Etat. Ils ont fait le choix de l’article 74, qui est un choix respectable et respecté», commente le délégué interministériel. Il affirme néanmoins que contrairement à ce qui s’est passé de l’autre côté de la frontière, «l’Etat n’abandonne pas ses territoires».

Estelle Gasnet
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