15.12.2016

La Sesma et son directeur accusés de favoritisme

[MISE A JOUR ] Il est reproché à l’ancien directeur général d’avoir favorisé Yannick Beaud dans l’attribution d’une assistance à maîtrise d’ouvrage, ce dernier se retrouve accusé de recel de favoritisme.

En 2014, la Sesma, la filiale de la SNC-Lavalin qui gère et exploite l’aéroport de Grand Case, lance un avis à concurrence pour l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) dans le cadre des travaux de la vigie, de la caserne des pompiers et de l’aménagement de l’aérogare. Une seule entreprise répond, la Semsamar. Celle-ci est donc retenue pour assister la Sesma. Le montant du marché est de 72 800 euros.

Entre temps, Yannick Beaud en charge du développement opérationnel à Saint-Martin au sein de la société d’économie mixte et donc de cette AMO auprès de l’aéroport, est contraint de laisser ses fonctions et de quitter l’entreprise. Quelques mois plus tôt, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Martin pour avoir accepté un emploi à la Semsamar alors qu’il venait de se mettre en indisponibilité de son poste de fonctionnaire à la préfecture ; ce qui n’est pas autorisé par la loi. Il avait fait appel de son jugement et s’était pourvu en cassation. Au final, la cour a interdit à Yannick Beaud d’exercer au sein de la Semsamar durant trois ans. D’où son départ de la société alors que le contrat d’AMO avec la Sesma avait débuté.

La Semsamar fait alors savoir à la Sesma qu’elle va se retirer car elle n’est plus en mesure d’assurer l’AMO faute de moyens humains. «Le départ de M. Beaud a bouleversé l’organisation de la SEM à Saint-Martin», a expliqué la direction aux gendarmes dans le cadre de l’enquête. La Sesma se retrouve donc seule.

En parallèle, Yannick Beaud s’est retourné et a créé sa propre entreprise d’assistance à maîtrise d’ouvrage, «[son] métier depuis vingt ans». Affirmant être dans l’urgence avec l’obligation de devoir terminer les travaux avant le 31 décembre 2014 s’il veut notamment bénéficier des fonds européens, le directeur de la Sesma à l’époque, Mongi Djouba (il occupe depuis peu un nouveau poste au sein de la SNC Lavalin à Montréal, ndlr), décide alors de recruter Yannick Beaud pour un montant de quelque 32 000 euros. Mais sans procéder à une nouvelle mise en concurrence. Ce qui lui est reproché aujourd’hui.

À la barre du tribunal, Mongi Djouba fait valoir la situation «d’urgence» dans laquelle il se trouvait. Il se dit certain que Yannick Beaud est «le seul sur l’île à disposer des compétences nécessaires pour réaliser une telle AMO». Aussi était-il convaincu qu’aucun autre candidat ne se serait présenté s’il avait lancé une nouvelle procédure de mise en concurrence. Aux magistrats, il affirme en outre qu’il n’a aucun intérêt à ne pas respecter les procédures et la législation. Il suit régulièrement des formations avec la SNC Lavalin sur ce thème et s’il venait à commettre un impair, il perdrait son emploi.

Mais pour Joseph Mougames, il ne fait aucun doute qu’il y a «malversations financières». C’est pourquoi il a écrit au procureur de la République pour dénoncer les deux hommes. Et c’est ainsi que l’enquête avait été ouverte. Dans son courrier, il fait en outre état d'autres faits ; des considérations qui surprennent le tribunal.

Joseph Mougames est architecte à Saint-Martin et ses services ne sont plus sollicités par la Semsamar. «Il tient Yannick Beaud pour responsable de son écartement», a déclaré à la barre maître Vayrac, le conseil de M. Beaud.

Jeudi 15 décembre, Mongi Djouba et Yannick Beaud ont comparu devant le tribunal correctionnel pour respectivement favoritisme et recel de favoritisme. Le vice-procureur Yves Paillard qui a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas de corruption dans cette affaire, a requis deux amendes d’un montant total de 7 000 euros à l’encontre de l’ancien directeur de l’aéroport, l’une de 5 000 euros en tant que personne morale, la seconde de 2 000 euros en tant que personne physique. Il a demandé la même peine à l’encontre de Yannick Beaud. Par ailleurs, Yves Paillard a estimé que ce dernier avait contourné l'interdiction d'exercer de la cour de cassation en reprenant ce marché dont il s'occupait au sein de la Semsamar.

Le jugement a été mis en délibéré au 23 février 2017.

 

Estelle Gasnet
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