16.03.2016

Structurer la pêche : une mission au long cours

Structurer la filière de la pêche et de l'aquaculture apparaît comme une nécessité. D'autant plus face au potentiel de création d'emplois. Mais le processus s'avère long et compliqué.

La pêche est une pratique ancestrale à Saint-Martin. Si treize marins-pêcheurs sont enrôlés auprès des Affaires maritimes, plus du double ne seraient pas déclarés, selon les informations détenues par la Collectivité en juillet 2015. Une pêche illégale encouragée par certains restaurateurs et individus qui s’y approvisionnent. Outre les risques sanitaires encourus par les consommateurs, ce marché noir nuit avant tout aux pêcheurs qui ne bénéficient d’aucune protection sociale ni même d’aide à la modernisation de leurs équipements. Structurer la filière pêche apparaît donc comme une nécessité afin de mieux accompagner les professionnels, de la sortie en mer à la mise sur le marché du produit, tout en garantissant une source de revenus stable. C'est pourquoi l'Etat, la COM et la CCI de Saint-Martin travaillent en collaboration sur le sujet. 

En 2014, la Collectivité, la direction de la Mer et des fonds européens, avec le soutien de la CCISM ont financé un diagnostic de la filière, réalisé par la société Alvi, basée à Boulogne-sur-mer. Le potentiel d’emplois de la filière est alors devenu une évidence. D’autant plus qu’«il va falloir remplacer les marins partant à la retraite. Un emploi créé sur un bateau équivaut à 4 à 5 emplois créés sur terre» indiquait la Collectivité dans un communiqué.

Le 23 juillet 2015, le conseil exécutif votait favorablement à la création d’un comité territorial de conchyliculture, des pêches maritimes et des élevages marins. «Ce comité aura{it eu} pour mission la promotion des professionnels de la pêche, l’élaboration et l’application des réglementations de ce secteur, la réalisation d’actions économiques, la participation aux politiques publiques de mise en valeur de la filière pêche, et en apportant un appui scientifique et technique aux membres du comité», pouvait-on lire dans le même communiqué. La création d’une entité chapeautant la filière constituait la première étape de sa structuration. Toutefois, suite à un contrôle de légalité, la préfecture déléguée de Saint-Barthélemy et Saint-Martin a été amenée à demander des précisions juridiques concernant cette décision, notamment concernant la compétence de la Collectivité en la matière.

Dans la foulée, la Collectivité compétente en matière d’immatriculation des bateaux depuis 2007, annonçait que son conseil exécutif avait finalement choisi le bigramme SW (Swaliga) pour Saint-Martin, qui était jusqu’ici immatriculé sous le bigramme PP de la Guadeloupe. «Une fois ce bigramme validé par le contrôle de légalité, Saint-Martin aura sa propre immatriculation portuaire (navires et autres bâtiments de mer).» indiquait le communiqué mentionné ci-dessus. Depuis, le préfet de région Guadeloupe, représentant de l'Etat dans les îles du Nord, a écrit fin octobre 2015 au Ministre en charge de la Mer, afin d'appuyer cette proposition.

DES FONDS EUROPEENS DISPONIBLES

Saint-Martin est éligible à différents fonds pour la filière pêche. Parmi les cinq fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI), le Fonds Européen des Affaires Maritimes et de la Pêche (FEAMP) comporte 70 mesures dont une dizaine ont été retenues, car pertinentes pour Saint-Martin sur la période 2014-2020. Le 3 décembre 2015, la Commission européenne validait le Programme Opérationnel FEAMP de la France, dont les budgets attribuables à Saint-Martin pour accompagner la structuration de sa filière pêche.

Pour la période considérée, Saint-Martin dispose de 769 336 euros de FEAMP pour toutes les mesures retenues (Création et fonctionnement d'un Comité des Pêches, remplacement des moteurs de navire, équipements secondaires sur les points de débarquement projetés...), auxquels s'ajoutent une contrepartie de l'Etat et de la Collectivité de l'ordre de 460 000 euros. Tandis que le FEDER prévoit 1.250 million d’euros d’investissement portuaire, pour la création de deux points de débarquement. Concernant la seule mesure relative au Plan de Compensation des Surcoûts de la Pêche, 3,1 millions euros de fonds FEAMP sont mobilisables au bénéfice des professionnels déclarés. Les critères précis d’attribution sont actuellement en cours de validation. 

CRÉATION DE HALLES AUX POISSONS

L’une des 27 actions prioritaires pour 2016 du Contrat de ville, concerne justement la structuration de la filière pêche par la CCISM, signataire de ce même contrat. La création d’une halle aux poissons à Quartier d’Orléans correspond aux objectifs du Contrat qui vise les quartiers prioritaires. Une autre halle devrait être construite à Marigot. Grossièrement, le FEDER permettrait de financer la construction des pontons, tandis que le FEAMP subventionnerait les équipements secondaires (glacières, éviers, etc).

Selon Michael Wery, le représentant du Directeur de la mer de Guadeloupe à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ces infrastructures permettront «avant tout de proposer des équipements adaptés pour les pêcheurs et autres professionnels de la filière pêche afin de développer leur exploitation tout en améliorant les conditions sanitaires de stockage et de mise en vente directe des produits de la mer.»

Achat de foncier, appel d’offres, travaux… s’ajoutent à l’attente d’une réponse de l’Etat concernant la création du Comité et l’immatriculation. Nul ne sait véritablement quand ces projets vont voir le jour. Il est en revanche obligatoire que des propositions concrètes  apparaissent avant 2020, date butoir pour l’attribution des fonds européens.

Fanny Fontan