01.02.2019

«Ce n’était pas des pots de vin, c’était juste un pourboire»

L'agent de la COM mise en cause dans l'affaire de corruption au sein du service des étrangers à la préfecture, a tenté de reporter une partie de la faute sur son chef de service.

«Ma cliente est triste. Comment ai-je pu faire cela ? me dit-elle, Elle s’en veut terriblement», rapporte l’avocat de la principale mise en cause dans l’affaire de corruption au sein du service des étrangers examinée jeudi par le tribunal correctionnel de Saint-Martin.

Agent de la Collectivité qui avait été mise à disposition de la préfecture en 2014, EJ est poursuivie pour corruption passive et aide à l’entrée ou au séjour irrégulier d’étrangers en France entre mars 2016 et mars 2017. «Elle s’interroge sur son comportement qui l’a fait sombrer», poursuit son avocat qui précise que «son père a été absent» et qu’après «sa séparation d’avec son compagnon, elle est entrée dans une phase difficile. C’était d’autant plus dur qu’elle n’a jamais eu l’amour de sa mère».

EJ a expliqué avoir compris le cœur de l’affaire lors de ses auditions par la police aux frontières. C’est là qu’elle dit avoir appris que les deux personnes, NBL et E (CFM), (aussi poursuivies, ndlr), qui lui apportaient des demandes de papier hors guichet, réclamaient de grosses sommes d’argent aux ressortissants étrangers, soit entre 1 500 et 4 000 dollars/euros. Or, ces deux personnes étaient des amis proches d’EJ. «Ma cliente considérait E comme sa sœur», rapporte son conseil.

NBL, confirme qu’il récoltait de tels montants mais affirme qu’il reversait des pots de vins d’un minimum de 2 000 euros, soit «le prix fixe qu’elle demandait», à EJ ; laquelle par contre assure qu’elle ne touchait que 150 ou 200 euros par dossier. Pour certains cela servait, selon elle, à payer des timbres fiscaux. Elle ne semblait pas voir où était le mal. Les juges ont d’ailleurs bondi lorsqu’elle a rectifié le mot «pot de vin» par «pourboire». «Ce n’était pas des pots de vin, c’était juste un pourboire», a-t-elle confié. «Mais un fonctionnaire n’a pas le droit de toucher de l’argent pour un service public rendu, ne serait-ce un centime !», lui a rappelé le tribunal.

En revanche, EJ reporte la faute de la délivrance de récépissés et/ou de cartes de séjour sur son chef. «Ce n’est pas ma cliente qui signait les documents mais son chef. Il aurait dû vérifier les dossiers qu’elle lui transmettait», explique son avocat. «D’ailleurs, certains des dossiers soumis ont fait l’objet d’un refus», précise-t-il en s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles ceux desdits étrangers ont été acceptés «s’ils ne satisfaisaient pas les critères d’obtention de titre» comme les éléments de l’enquête le montrent. En effet, les personnes étrangères accusées d’avoir reçu leur titre via EJ, ne pouvaient pas en obtenir car elles n’avaient pas d’enfants français et/ou scolarisés en partie française ne pouvaient prouver qu’elles résidaient sur la partie française de manière stable depuis cinq ans, etc.. Certaines avaient déjà réalisé les démarches via la voie normale à leur arrivée à Saint-Martin mais s’étaient vu refuser le titre.

EJ indique aussi qu’elle n’a jamais été formée à la réglementation ; elle a juste assisté à la présentation de la restructuration du service.

Depuis la découverte de ses agissements, EJ, âgée de 49 ans et mère d’un garçon de 18 ans a quitté les services de la préfecture et réintégré ceux de la Collectivité. Elle confie être «atteinte par la publicité» qui a été faite autour de l’affaire* et «se demande si elle va pouvoir vivre encore à Saint-Martin».

Le parquet a requis une peine de trois ans de prison ferme, une amende de 30 000 euros et une interdiction définitive d’exercer une fonction publique. Il a en outre confié que d’autres investigations étaient en cours afin de découvrir si elle était impliquée dans d’autres dossiers.

* En juin 2018, un premier communiqué de presse du parquet avait été envoyé pour révéler les faits.

Estelle Gasnet
2 commentaires

Commentaires

Effarant ... une personne non formée à la préfecture .... combien d autres ? Est elle au moins formée pour travailler ou faire semblant à la COM????

Service des étrangers est un poste sensible. Une vigilance particulière ainsi qu'une solide formation devrait être accordée quant au recrutement des personnels.