10.12.2018

L’urbanisation des plages influence l’impact des cyclones

Dans le cadre du projet Tirex, des chercheurs ont étudié l’influence de l’aménagement des systèmes côtiers sur l’impact des cyclones.

Dans quelle mesure l’urbanisation a-t-elle influencé l’impact d’Irma sur les systèmes côtiers ? C’est à cette question que les chercheurs en géomorphologie Virginie Duvat, Valentin Pillet et Natacha Volto, du laboratoire LIENSs de l’Université de La Rochelle- CNRS, accompagnés de Yann Krien, Raphaël Cécé et Didier Bernard de l’Université des Antilles sur le volet climat, se sont attachés à répondre dans l’article intitulé High human influence on beach response to tropical cyclones in small islands: Saint-Martin Island, Lesser Antilles. Ces recherches s’inscrivent dans le projet Tirex, pour lequel un consortium d’universitaires étudie les différents impacts d’Irma et les modalités de reconstruction à privilégier sur les îles du Nord.

Publié en septembre 2018, cet article de géomorphologie analyse les données issues de l’analyse d’images satellites et des relevés de terrain effectués fin octobre 2017 sur 33 des 36 plages de l’île. « L’avantage à Saint-Martin, c’est que comme les plages sont inégalement aménagées (certaines étant 100% naturelles, et beaucoup d’autres très fortement urbanisées au plus près de la mer), nous avons pu comparer les impacts des cyclones de 2017 en fonction du degré de perturbation du milieu » avance Virginie Duvat.

Moins les systèmes côtiers étaient aménagés, plus ils ont joué un rôle de tampon contre la houle cyclonique, et donc limité la profondeur de la submersion marine à l’intérieur de l’île. « Les systèmes côtiers sont constitués de sédiments libres. À l’état naturel, ils possèdent une certaine capacité d’amortissement des impacts cycloniques » explique la chercheuse. La profondeur de submersion dépend de la dimension du système naturel (plage et arrière-plage) et de son taux de recouvrement en végétation indigène (raisiniers, etc.).

Si la première ligne de végétation située au plus près de la mer (dans les 15 à 25 premiers mètres) a généralement été rasée par la houle, la deuxième, à l’arrière de la plage, là où elle constituait un réseau dense de troncs, branches et racines, a pu résister et capturer les sédiments apportés par les vagues. Dans ce cas là, le cyclone n’a pas été que destructeur, car cette deuxième ligne de végétation, nourrie du sable et des débris coralliens, a pu gagner en altitude, comme à Petites Cayes par exemple (Photo 1). Dans ce cas, les systèmes côtiers se sont ainsi renforcés, et ils constituent désormais un rempart encore plus efficace contre la mer.

En revanche, là où l’homme a modifié le système côtier en défrichant la végétation naturelle pour planter des cocotiers, les vagues cycloniques ont pénétré profondément dans les terres, creusant de larges tranchées et apportant d’importants dépôts de sable qui ont posé problème aux riverains, comme dans la baie Orientale ou dans la baie Lucas (Photos 2, 3 et 4).

Lorsque le trait de côte a été rigidifié par des cordons d’enrochement ou des murs, l’impact cyclonique a été inégal. Soit ces ouvrages ont tenu et le trait de côte est resté stable, comme dans la baie de Marigot (Photo 5). Soit ces ouvrages ont été détruits par les vagues, comme à l’extrémité de la Baie rouge par exemple (Photo 6). « Même là où le trait de côte tient face à la houle cyclonique, cela ne veut pas dire que c’est nécessairement la solution. D’une part, ces ouvrages engendrent la disparition des plages, et d’autre part, ils n’empêchent pas forcément la submersion marine. » commente la chercheuse.

Virginie Duvat travaille depuis plus de vingt ans sur les zones tropicales. « Saint-Martin est le pire cas que j’ai vu en termes d’urbanisation massive, rapide et brutale des systèmes côtiers, ici consécutive aux lois de défiscalisation ». Elle explique que lorsque l’on rigidifie le trait de côte et que l’on construit directement sur les plages, les vagues cycloniques vont directement s’écraser sur les façades : « c’est ce que l’on appelle la réflexion ». En repartant, les vagues arrachent beaucoup de sable à la plage, sur 1 à 1,5 m d’épaisseur. « Cela se voit bien là où les propriétaires n’avaient peint que la partie visible de leur mur » précise-t-elle. Un phénomène que l’on peut observer à baie Rouge ou à Grand-Case, par exemple (Photo 7).

En résumé, lorsque le système côtier est resté à l’état naturel, il a amorti les vagues cycloniques et même, dans un certain nombre de cas, gagné en altitude. Tandis que là où il a été modifié par l’homme (bâtiments, cordons d’enrochement), même lorsqu’il a résisté à la houle cyclonique, il a diminué de volume. Vidées de leur sable emporté par les vagues, les plages disparaissent petit à petit. « Le problème de Saint-Martin, c’est que la majeure partie des plages est aménagée trop près du trait de côte. L’homme s’est mis dans la zone tampon et prend de plein fouet la houle cyclonique » analyse Virginie Duvat.

L’objectif de ces recherches est de faire réfléchir ceux qui contrôlent les constructions, d’interpeller la population et les décideurs. « Il faut arrêter de construire aussi près de la mer et, a minima, ne pas y reconstruire les bâtiments dévastés. Il va falloir accepter que les gens ne voient pas la mer depuis leur chambre, mais la végétation. La mer monte et les cyclones s’intensifient. Ça va faire de plus en plus mal ».

Crédits photos : Virginie Duvat, Valentin Pillet et Natacha Volto

Fanny Fontan
4 commentaires

Commentaires

À la baie orientale les restaurants ont été reconstruits carrément en dur sur la plage. Cela promet au prochain cyclone !!

Conclusion : il faut laisser les plages à la nature, aux touristes, aux promeneurs et aux baigneurs.
Et ne plus y autoriser les promoteurs et constructeurs...

On peut toujours rêver ! L'argent pourrit tout !

Il faut virer tous ces restos des plages ! Cà amène parfois une faune indésirable et toujours des saletés. La solution consiste à introduire discrètement de nuit des milliers de requins bull dogs et des grands blancs près des plages pour faire fuir les touristes et donc, faire fuir les restos aussi, puisque nos politiques refusent de prendre le taureau par les cornes !