18.08.2017

Julie, son père et Pierre à la tête d’un vaste trafic de cocaïne

Ils ont organisé des transports et la vente de cocaïne entre l’Amérique du Sud via la Caraïbe durant plusieurs années ; l’un des voyages est passé par Sint Maarten. Retour sur ce vaste trafic.

(Précision : les initiales des noms ont été modifiées dans les décisions judiciaires rendues publics.)

Après plusieurs années de procédure judiciaire, Julie X. a été mise en examen par la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France le 21 février 2017 pour trafic de stupéfiants entre 2003 et 2009. Elle est ainsi renvoyée devant la cour d’assises de la Martinique sous l’accusation d’importation, exportation de produits stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs.
Elle agissait avec son père, Jacques X., décédé le 2 juin 2011. Selon les éléments de l’enquête qu’elle conteste en partie, elle organisait le transport de cocaïne d’Amérique du Sud vers l’Espagne, le Portugal ou le Maroc via la Caraïbe. Elle recrutait des équipages qui assuraient les voyages et les livraisons. Parmi les skippers, Laurent B.

LES VOYAGES AVEC LE SKIPPER LAURENT B.

Ce dernier a effectué cinq voyages entre 2003 et 2008, transporté 1,810 tonne de cocaïne pour une rémunération totale de 630 000 euros.

En juin 2003, il a convoyé 360 kg de drogue sur le voilier Corto, battant pavillon français vers l’Espagne et a été rémunéré 30 000 euros. Il s’agissait de la première transaction de Julie et de son père Jacques avec des fournisseurs vénézuéliens et colombiens. À titre de garantie, ces derniers avaient emprisonné Jacques, avec son accord, en Colombie, le temps du voyage. La drogue a été récupérée par des individus armés à bord du voilier.

En novembre 2005, Laurent B. a de nouveau perçu 30 000 euros pour avoir transporté cette fois vers le Cap en Afrique du Sud 350 kg de drogue avec un autre voilier, le Libertjin, battant pavillon néerlandais. Comme avec le Corto, il est parti de Trinidad et a récupéré la drogue dans des sacs largués en avion au large de la Barbade. Lors de ces deux voyages, Laurent B. était avec Bernard J., décédé depuis.

En juillet 2006, il a convoyé vers le Maroc 500 kg de cocaïne à bord d’un troisième voilier, le Copa di Lupo, battant pavillon antiguais, pour 50 000 euros. Il était encore parti de Trinidad où il s’était rendu avec Julie, mais avait voyagé avec Sergio K. Ils avaient réceptionné la drogue d’un bateau de pêche au large de la Barbade, qui avait ensuite été déchargée en mer à 100 km des côtes marocaines. Sur instruction, Laurent B. s’était jeté à l’eau dans une bouée avec son sac et les ballots de drogue et avait été récupéré par deux bateaux.

En juin 2007, il a convoyé 100 kg de cocaïne vers le Portugal et perçu 200 000 euros. Pour cette mission, il avait acheté avec Julie en Martinique le Corto Maltèse, un voilier battant pavillon français, dont il avait vu l’annonce sur internet. Il avait ensuite croisé dans la Caraïbe avec son épouse puis avait été au Brésil. À la demande de Jacques, Laurent était parti «en compagnie d’un certain Jean-Michel et de Paul I.». C’est aussi Jacques avec un autre homme, qui avait récupéré la marchandise en mer.

En avril 2008, Laurent a skippé un cinquième voilier, le Day Dream - immatriculé aux Etats-Unis- du Brésil vers le Portugal avec 500 kg de drogue à bord pour la somme de 300 000 euros. Il avait récupéré le bateau entre les mains de deux autres individus de nationalité espagnole mais a voyagé avec le propriétaire, Luca (identifié plus tard comme Gianluca D. et qui sera condamné par la cour d’assises de Martinique le 4 décembre 2015 à sept ans de prison). Comme les autres fois, ils ont récupéré la cocaïne en mer, au large du Brésil, et l’ont livrée directement à Jacques qui les attendait à bord d'une embarcation au large de Portimao.

Laurent B. a été interpellé en marge d’une autre affaire, celle du Be Bop, un voilier arraisonné en juin 2011, qui transportait 872 kg de cocaïne. Il a été mis en examen par le juge d'instruction le 1er juillet 2011 dans le cadre d'une procédure criminelle des chefs d'infraction à la législation sur les stupéfiants en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs. Il a justifié sa participation par le fait qu’il était un grand consommateur de drogue et qu’il avait des problèmes d'argent.

Avec les enquêteurs, le skipper s’est montré coopérant et a raconté avec précision les cinq voyages qu’il avait effectués pour Jacques X et sa fille qu’il a qualifiée comme le «bras droit de son père». Il a même expliqué deux autres voyages organisés par Julie, dont il a eu connaissance.

Selon lui en 2009, Paul I. et Sergio K. avec qui il avait voyagé en 2006 et en 2009, ont importé de la cocaïne entre Trinidad et le Portugal sur le voilier Whartog. Il cite aussi le voyage du Nisa Bula qui a été intercepté par les autorités de Sint Maarten en juillet 2008 avec à son bord 470 kg de drogue.

Julie X. fait l’objet de poursuites judiciaires en France. Elle a aussi été condamnée par le Portugal en 2013 pour des faits commis en 2010 et 2011. Ce sont d’ailleurs les seuls qu’elle reconnaisse. Les autres, elle affirme avoir agi sous l’autorité de son père.

Julie est poursuivie aux côtés de Pierre Y., mis en examen pour des faits commis en 2008 et aussi renvoyéevant la cour d’assises de la Martinique sous l’accusation d’importation, exportation de produits stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs. Il a également été jugé pour complicité par la justice portugaise pour des faits de 2010 et 2011. Deux arrêts de la cour d’appel de Lisbonne ont ordonné en janvier 2014 leur remise à la France.

LE RÔLE DE PIERRE Y.

Pierre Y. est une connaissance de Jacques et de sa fille. Celle-ci a expliqué qu’ils se connaissaient depuis la fin des années 1990 et qu’ils avaient été présentés par l’un de ses amis. Bien que Pierre affirme qu’il se contentait uniquement de «donner des conseils » à Julie, les enquêteurs ont acté qu’il a mis à disposition une embarcation semi-rigide pourvue d’un moteur de 200 CV permettant au père et à la fille de récupérer la drogue à bord des voiliers (skippés par Laurent B.) au large des côtes européenne et africaine.

Pierre avait fait l’acquisition de cette embarcation, le Sean Lance, en 2008 après avoir reçu un virement bancaire de 20 000 euros de la part d’un ami. L’enquête a permis d’établir que le Sean Lance a permis de transborder la drogue transportée par le voilier Day Dream en 2008. Il aurait aussi servi à un autre débarquement.

Lors d’une perquisition au domicile de Pierre Y. en Corse, de nombreux téléphones portables, des montres de luxe, la somme de 6 000 euros, trois motos et un avis de paiement annuel de navigation pour le navire Sea Lance ont été découverts. Dans la chambre qu'il occupait au Portugal au domicile de Julie ont été découverts 1 810 euros et des montres de luxe. Pierre Y. était propriétaire de deux appartements acquis tous les deux en 2007 pour une somme totale de 90 000 euros et d'un terrain acquis en juin 2008 moyennant la somme de 30 000 euros.

LE RÔLE DE GÉRALD C. ARRÊTÉ À SINT MAARTEN

Gérald C. est marié à l’une des cousines de Pierre. Il est aussi la personne que Pierre a présentée à Jacques et sa fille et celui qui a donné les 20 000 euros à Pierre pour acheter le semi-rigide. Il est le troisième protagoniste dans cette vaste affaire de trafic de stupéfiants.

Il a été le premier à être arrêté. Il l’a été à Sint Maarten en juin 2008 sur le voilier Nisa Bulla avec deux autres individus étrangers, Rudolf G. et Joël H. Le bateau qui devait se rendre au Portugal a été intercepté alors qu’il transportait 470 kg de cocaïne. Il a été condamné à six ans d'emprisonnement pour infraction à la législation sur les stupéfiants et a purgé sa peine à la prison de Pointe Blanche.

Son arrestation a marqué le début de l’enquête. Des éléments ont été trouvés en sa possession qui le rattachait à Jacques et Julie X. ainsi qu’au skipper Laurent B. Dans son carnet retrouvé sur le Nisa Bulla figuraient notamment les coordonnées d’un point de livraison que possédait aussi Laurent. Figurait aussi un numéro de téléphone portable d’un soi-disant «Jac», identifié comme pouvant être les coordonnées du commanditaire du transport de cocaïne effectué à bord du voilier. Il s’agissait de la ligne téléphonique de Céline O, une amie de longue date de Julie, qui sera chez Julie le jour de son interpellation. De plus, l’enquête révélera que Julie, à la demande de son père, a effectué un virement de 11 000 euros à la femme de Gérald (Isabelle C.)

En parallèle de l’enquête française, le Portugal a entamé la sienne et échangé avec la Martinique des informations. Fin 2010, il met sous surveillance un autre voilier, le Be Bop acheté par Laurent B. et Julie X. en juillet de la même année en Martinique, qui sera arraisonné le 26 juin 2011 par les policiers français de l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) en Martinique avec à son bord 872 kg de cocaïne. Cela mettra un terme au trafic de Julie.

En suivront son interpellation ainsi que celle de Laurent B. et d’une dizaine d’autres personnes impliquées en France et au Portugal.

Au total, Julie et son père durant les premières années ont supervisé un trafic de plus de 3,1 tonnes de cocaïne. Julie et Pierre avaient attaqué la décision de la chambre d'instruction de Fort de France de février dernier mais leur pourvoi a été rejeté par la cour de cassation (chambre criminelle) il y a deux mois.

Légende photo : la frégate de surveillance Germinal arraisonnant le voilier Bebop en juin 2011, Crédit : EMA / Marine Nationale

Estelle Gasnet
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Pourriez-vous indiquer vos sources ? Ce serait la moindre des choses...

Les sources sont les décisions judiciaires rendues publiques (cour de cassation, arrêtés de la chambre d'instruction).