21.03.2016

Des ambitions politiques cachées

Saint-Martin Wake up pourrait-t-il être le nom d’une des listes aux prochaines élections territoriales en mars 2017 ?

Le comité a été créé en octobre 2015 en pleine crise du plan local d’urbanisme (PLU). Plusieurs mois plus tôt, des voix plus ou moins proches du noyau dur du comité s’élevaient déjà pour critiquer la politique de l’actuelle majorité.

La première dénonciation a été celle du PLU justement en mars 2015 lors d’une réunion publique à la CCISM, qui avait attiré plus de 150 personnes opposées au projet. Ont également été organisées des conférences de presse et des rencontres au sujet des 50 pas géométriques, autre sujet épineux qui, selon ces mêmes personnes, n’est pas suffisamment pris en considération par la COM. L’affaire des transats de Grand Case en novembre a aussi trouvé son origine dans des revendications de Grand Casiens dont certains sont des membres actifs du comité. Plus récemment, les carbets de la Baie orientale ont été encore une occasion pour dénoncer la politique des élus actuels.

Le nom du comité est assez évocateur pour suggérer une ambition politique en mars 2017. Voire pour tenter de pousser la majorité actuelle à la démission. Du moins de la discréditer. Ce qui a en partie fonctionné puisque celle-ci a accepté d’arrêter le processus du plan local d’urbanisme (qui ne sera certainement pas repris cette année pour des raisons politiques), de revoir les loyers des restaurants à la Baie orientale et de satisfaire quelques autres requêtes (durée des conventions des AOT, etc.).

 

ERREUR POLITIQUE DE LA COM

Si, le 9 mars dernier, la Collectivité a essayé d’imputer le blocage à la préfecture dont c’est en effet la responsabilité de faire respecter l’ordre sur la voie publique, il n’empêche qu’elle en était la cause. Céder au PLU a été la porte ouverte aux revendications du comité. Une erreur politique de la part de la COM. Preuve en a été le 9 mars. Il est quasi assuré que d’autres manifestations seront organisées dans les mois à venir et il sera de plus en plus difficile pour la Collectivité de répondre favorablement. Et des motifs pour bloquer l’île, le comité Saint-Martin Wake up en a plein.

Cependant, il conviendra d’apprécier son influence et la pertinence de ses requêtes. Tout dépendra de la méthode employée. Si durant tout au long de l’année 2015, le comité a reçu de nombreux soutiens dont ceux de métropolitains, au sujet du plan local d’urbanisme, le 9 mars, il a davantage fait l’objet de critiques négatives. Les commentaires dénonçant la méthode employée ont été nombreux sur les réseaux sociaux tant par la population locale que par les vacanciers. Les touristes américains se sont sentis pris en otage et n’ont pas hésité à rappeler que l’île vivait du tourisme et avait besoin de leurs dollars.

 

UN DISCOURS NATIONALISTE

La différence d’avec le 22 octobre s’est trouvée dans la nature même du discours. Le blocage de la Baie orientale a été symbolique ; un message fort envoyé aux métropolitains à qui on reproche d’être trop impliqués dans la vie économique. Le document de deux pages portant sur les revendications générales – en plus de celles spécifiques à la Baie orientale- reflète en effet une pensée politique nationaliste. «Il est crucial de mettre fin à la perte déplorable par les habitants originaires de l’île de leur emprise sur l’économie, comparée aux avantages dont jouissent les personnes venues d’ailleurs (…) Arrêt de l’éviction des Saint-Martinois exploitant des commerces à l’aéroport de Grand Case (…) Arrêt du projet du front de mer donnée en concession à des sociétés extérieures sans aucune retombée pour les originaires de l’île…», peut-on lire pêle-mêle dans ce document.

Ce sentiment d’envahissement est compréhensible et n’est pas propre à Saint-Martin. Il y a une quinzaine d’années, des départements comme la Dordogne ou le Gers se plaignaient de la flambée des prix de l’immobilier causée par une arrivée massive d’Anglais qui étaient, à cette époque, attirés par la vieille pierre. Et sans parler des Corses.

Pour autant, le contexte est ici différent. L’île a forgé sa réputation sur cette diversité culturelle. Dans les années 1980-1990, les politiques locaux ont aussi profité des métropolitains et de leur agent pour développer le tourisme. Ils leur ont délivré des permis de construire très facilement. Aujourd’hui une grande partie du foncier reste détenue par des Saint-Martinois qui louent à des «personnes importées». Les métropolitains ne sont pas non plus l’unique communauté étrangère de l’île à peser dans l’économie. La grande distribution est notamment dominée par les Chinois qui sont propriétaires de nombreuses supérettes et dont le poids dans le PIB est grand. Pour autant aucun procès ne leur est fait. De même avec les Indiens.

 

DES REVENDICATIONS PAS TOUTES JUSTIFIÉES

Si certaines revendications figurant dans ce document de deux pages sont justifiées – comme celle déplorant le non respect de la décision d’interdire les transats sur la plage de Grand Case (même si on n’est pas d’accord, un arrêté a été pris et il doit être respecté), d’autres en revanche le sont moins. Par exemple, il est demandé à la COM d’améliorer l’aspect et l’environnement de l’entrée de Marigot à Agrément ou les conditions sanitaires de certains logements à Saint-James. Mais une telle dégradation de ces lieux est-elle uniquement la faute des élus ?

Il est demandé une maison de protection pour les femmes victimes de violences conjugales ; un centre d’hébergement jour et nuit existe déjà.

D’autres revendications ne trouveront pas leur réponse au sein de la Collectivité. Comme celles stipulant la baisse des billets d’avion inter-îles ou l’instauration de factures mensuelles pour certains services.

D’autres encore sont en cours d’analyse et ne dépendent pas uniquement de la COM mais aussi de l’Etat, parmi lesquelles la création d’un centre de détention pour les jeunes délinquants, d’une maison d’arrêt. Un foyer socio-éducatif doit voir le jour prochainement (annonce de François Hollande) pour les jeunes délinquants notamment.

Quant à la maison d’arrêt, le ministère de la Justice a récemment annoncé la construction modulaire de plusieurs cellules afin d’accueillir durant quelques jours les prévenus en attente de leur jugement. Il faut savoir qu’une vraie maison d’arrêt ne sera jamais construite à Saint-Martin tant qu’un tribunal de première instance ne sera pas installé. Un projet qui n’est pas à l’ordre du jour puisqu’une Chambre détachée du tribunal de grande instance de Basse-Terre vient d’être créée. Obtenir un TPI est un autre sujet - d’ordre politique - aux enjeux complexes et qui demande un vrai et important lobbying politique (plus important que celui que fait la Guadeloupe).

Enfin, le comité voudrait que des commissariats de police soient installés. Or, ils ne le sont qu’en zone urbaine et Saint-Martin est considérée comme une zone rurale. De plus, la gendarmerie assure déjà une permanence 24 heures sur 24. Et sa mission est similaire à celle de la police.

La semaine dernière, la Collectivité s’était engagée à répondre à plusieurs requêtes d’ici une quinzaine de jours ; elle dispose donc d’encore une semaine pour le faire. Il était également prévu une seconde réunion pour aborder d’autres sujets, ultérieurement.

Estelle Gasnet
1 commentaire

Commentaires

Bonne synthèse mettant l'accent sur le malaise identitaire et le rapport de force contre notre exécutif local lequel semble peiné à s'imposer. Reste à rencontrer les leaders de ce groupe pour déterminer si les perspectives électorales de 2017 sont dans leur calendrier d'action ?