03.07.2016

Quand des querelles de voisinage dégénèrent

Trois affaires de querelles de voisinage qui ont dégénéré étaient examinées jeudi 30 juin par le tribunal correctionnel de Saint-Martin.

«Les affaires se suivent et se ressemblent. Je vous promets pourtant que le parquet n’avait pas prévu une journée à thème sur les relations de voisinage», a ironisé le vice-procureur Michael Ohayon en introduction de l’un de ses réquisitoires. Jeudi 30 juin, lors de la dernière séance d’audience du tribunal correctionnel de Saint-Martin avant l'été, se sont en effet succédé trois affaires faisant état de disputes entre voisins qui ont dégénéré.

UNE HISTOIRE D'ELASTIQUES A CHEVEUX

La première opposait un couple (Mme S et son compagnon) à sa voisine (Mme L.). Le couple était poursuivi pour violence en réunion à l’encontre de la jeune femme, à qui l’on reprochait par ailleurs d’avoir commis le même jour des faits de violence sous la menace d’une arme sur sa voisine (Mme S).

Le 1er novembre 2015, Mme L. coiffe la cousine de sa voisine de pallier. Même si leurs relations sont déjà conflictuelles, elle se rend demander des élastiques à cheveux à cette dernière (Mme S.) qui refuse sous prétexte qu’elle les garde pour ses enfants. Quelques instants plus tard, Mme S. en donne pourtant quelques-uns à sa cousine. En voyant cela, la jeune coiffeuse lâche un "cette s..." en parlant de sa voisine. Ce que la cousine s’empresse de lui répéter. Remontée, Mme S. descend chez sa voisine bien décidée à s’expliquer. Une violente dispute démarre et les deux femmes en viennent rapidement aux coups. Mme L. qui vient de se faire frapper au visage s’empare alors de ses ciseaux et les plante dans les cuisses de son adversaire. Le mari de Mme S. débarque à ce moment-là. Voyant du sang sur le sol et sa compagne blessée, il la raccompagne dans son appartement. Il revient ensuite afin de «demander des explications», muni d’une tenaille et reconnaît avoir giflé sa voisine.

UNE HISTOIRE DE PLACE DE PARKING 

La deuxième affaire oppose cette fois un homme (M. G) à ses voisins (absents le jour de l’audience). M.G est poursuivi pour violence ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours sur son voisin, et une ITT inférieure à 8 jours sur sa voisine, plus des dégradations matérielles (la rambarde de sécurité). Le samedi 19 juillet 2014, M.G rentre chez lui vers 5h30 du matin. Mais encore une fois, son voisin s’est garé sur la place de parking qui lui est réservée. Sachant ses voisins fêtards, il sonne chez eux pour leur demander de déplacer leur voiture et lui rendre sa place. Après quelques haussements de voix, il apprend que c’est en réalité le père du colocataire de ses voisins qui s’est garé à sa place. Il existe pourtant une place « visiteurs » dans la résidence. Mais elle est prise par la camionnette de M. G qui refuse de la déplacer sous prétexte que la place visiteur appartient au premier qui la prend. Face à l’entêtement de M.G, ses voisins qui se sont par ailleurs mis à dos l’ensemble des habitants de la résidence, lui disent d’aller «niquer sa race» et lui mettent des coups de pied. En levant le bras pour parer les coups, M. G repousse son voisin. Celui-ci tente de s’appuyer sur la rambarde, qui, en très mauvais état, cède sous son poids et le fait chuter d’environ 1m50 et entraîne également la chute de sa compagne dans les escaliers.

UNE HISTOIRE DE CHAUSSETTE SUR LA JAMBE

La troisième affaire oppose à nouveau deux femmes : Mme D. et Mme M. ainsi que sa fille, absente le jour de l’audience. Mme M. est accusée de violence avec arme à l'encontre de Mme D. Le 15 juin 2015, Mme M. célèbre l'anniversaire de sa fille T. chez elle. «J'ai commencé à laver devant chez moi, raconte-t-elle. On parlait et on rigolait».  Sa voisine, dont le jardin donne sur le sien, porte une chaussette sur la jambe suite à des problèmes de peau. Elle croit alors que les rires sont des moqueries qui lui sont destinées. Elle se met à crier. La fille de Mme M. sort lui expliquer qu'elles parlaient d'autre chose. Puis, on ne comprend pas bien comment, arrive une autre femme, Mme D., la meilleure amie de la voisine. Toutes deux commencent à taper la fille. Celle-ci se réfugie à l'intérieur mais les deux dames commencent alors à jeter des pierres sur le chien resté dehors. La fille sort alors pour récupérer le chien et les deux femmes lui sautent dessus et se remettent à la taper. Mme M. ne supportant pas la vision de sa fille qui se fait molester, attrape une machette et frappe l'amie de sa voisine. Mme D. est ainsi bien blessée à la main. La fille, blessée également, se constitue partie civile. 

Dans ces trois affaires, en plus de la divergence absolue des versions de chacune des parties, s’ajoute l’absence de témoins. La chronologie des faits est donc très difficile à établir. La défense plaide à chaque fois la légitime défense. Mais le procureur rappelle que la légitime défense définit «une réponse concomitante et proportionnelle» à ce qui est perçu comme une attaque. Face à toutes ces difficultés il ajoute que son réflexe professionnel est de regarder où se déroulent les faits. La légitime défense, faut-il comprendre, étant ainsi plus probable lorsque l’on se trouve chez soi et que quelqu’un débarque. Les jugements seront rendus respectivement le 15 septembre et le 13 octobre. 

Lors du récapitulatif des faits de la troisième affaire, le juge commente :  «Nous assistons depuis ce matin à une succession de récits de comportements stupides des uns et des autres.» Le procureur poursuit cette idée dans son réquisitoire : «J’ai envie de dire qu’on peut peut-être faire autrement qu’aller chez son voisin ou sa voisine pour lui porter des coups alors qu’il existe d’autres moyens de régler des différends, comme le dialogue par exemple. » 

Fanny Fontan