06.07.2016

Histoire des cultes chrétiens de Saint-Martin

L'historien Gérard Lafleur résume la chronologie des cultes chrétiens pratiqués à Saint-Martin.

Il suffit de compter le nombre d’églises et lieux de cultes, ou même de croiser un «church bus» pour deviner l’importance de la religion dans la vie des Saint-Martinois. Adventistes, baptises, catholiques, méthodistes, témoins de Jéhovah... Suite aux différentes colonisations et aux immigrations, ce petit territoire français multiculturel accueille aujourd’hui une grande diversité de cultes, majoritairement chrétiens. Si bien qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. Comment les différencier ? Quelle est leur chronologie ? Leur sociologie ? Docteur en histoire moderne et contemporaine, Gérard LAFLEUR est également membre de la Société d’Histoire de la Guadeloupe et de l’Association des Historiens de la Caraïbe. Il a accepté de répondre synthétiquement à ces vastes questions.

UNIVERSALISME VS. PREDESTINATION

L'historien commence par distinguer, dans les religions révélées, celles basées sur l’universalisme de celles basées sur la «prédestination». Les premières s’appuieraient sur l’idée que tout le monde peut être « sauvé » et accéder au paradis (catholicisme, anglicanisme, méthodisme). « Dans ce cas, nous dit Gérard Lafleur, il y a généralement un clergé qui encadre les fidèles et qui est l'intercesseur entre Dieu et eux. On peut être "sauvés" par les "oeuvres". Il suffit de suivre le dogme et les cultes régulièrement. » Alors que les secondes considèrent que Dieu choisit ceux qui sont prédestinés à être «sauvés». (L’historien précise qu’il s’agit essentiellement du calvinisme représenté au XVIIe par les Eglises réformées.) Ainsi, «on ne s'occupe pas des autres ce qui entraîne souvent un état d'esprit sectaire.» résume-t-il. Le XIXe siècle verra apparaître - notamment aux Etats-Unis - des mouvement issus de cette mouvance et se disant revivalistes (le "réveil") : Baptiste, Evangéliste. Certains encore plus radicaux, vont se distancier du mouvement protestant : Mormons, Adventistes, Témoins de Jéhova…

MAÎTRES PROTESTANTS, ESCLAVES CATHOLIQUES

Sous l'Ancien Régime, il était normalement interdit de pratiquer une religion autre que catholique. En effet, en 1685, sous le règne de Louis XIV, on révoque l’édit de Nantes, et les protestants doivent s’exiler. Promulgué la même année, le Code noir exige que dans les colonies, les esclaves soient baptisés. A Saint-Martin, par manque d’habitants, les maîtres protestants sont acceptés, tandis que leurs esclaves sont obligatoirement catholiques. Un paradoxe que Gérard Lafleur, a souligné lors de la deuxième conférence « Know Your History, Know your Country » qui s’est tenue le 25 mai à la médiathèque territoriale, sur le thème « Les religions à Saint-Martin aux XVIIe et XVIIIe siècles » aux côtés de Stéphanie Dargaud et Alexis Standford.

L’historien a par ailleurs raconté qu’après 1763, des habitants issus des territoires anglais et hollandais viennent s’installer à Saint-Martin. Ils sont anglicans (proche du catholicisme pour le dogme) ou calvinistes (de l'Eglise réformée hollandaise ou française en exil) et les esclaves encadrés par le clergé catholique. Après la Révolution, il n'y a plus de prêtres et les esclaves sont alors laissés sans encadrement religieux. La venue d’un prêcheur méthodiste dans la partie hollandaise en 1817, entraîne la conversion massive des esclaves à cette religion - les maîtres gardant la leur. Cependant, dans la décennie 1820-1830, l'économie de l'île se dégrade et les habitants s'appauvrissent. Les églises traditionnelles n'ont plus leur encadrement. Finalement, les maîtres passent progressivement au méthodisme.

RECUL DU CATHOLICISME

En 1830, le gouvernement français se rend compte que les habitants de la partie française parlent anglais et que le catholicisme a disparu. C’est pourquoi il décide de la "recatholiciser" et "refranciser" en envoyant un curé, des soeurs d'hôpital et d'école, et de construire une église. S’ils parviennent à recréer un noyau constitué notamment de libres de couleur, la masse demeure méthodiste. On tente d'envoyer un pasteur (Frossard) en 1848. Comme il est réformé, cela se passe assez mal et il ne tarde pas à repartir*. « L'île est de culture "anglo-saxonne", analyse Gérard Lafleur. Comme dans les autres territoires, les mouvements religieux se sont multipliés avec notamment l'arrivée des églises d'origine américaine et financées par des fonds américains (surtout après la Seconde Guerre Mondiale) : les premiers étant les Adventistes, puis les Baptistes et les Témoins de Jéhova pour les plus importants ».

Pour aller plus loin, la troisième conférence « Know Your History, Know Your Country », consacrée plus spécifiquement à la religion catholique à Saint-Martin devait avoir lieu ce mercredi 6 juillet. Elle est finalement reportée au mois d'octobre. 

* Voir l’article de Gérard Lafleur dans le bulletin de la SHG n° 114

Fanny Fontan