02.05.2019

Les pompiers de Saint-Martin en sous-effectif

Le centre de secours de Saint-Martin compte 29 sapeurs-pompiers professionnels. Dans l’idéal, il en faudrait deux fois plus.

Saint-Martin subit actuellement une période de sécheresse qui favorise les départs de feu. Si en temps normal, les sapeurs-pompiers ne doivent éteindre que quatre à cinq incendies par mois, ils ont déjà mené une vingtaine d’interventions au cours du mois d’avril suite à des feux de broussaille.

Le plus impressionnant est celui qui s’est produit à Hope Estate vendredi 19 avril (cf photo). Il leur a fallu presque six heures pour le maîtriser. « La difficulté sur ce genre d’incendie est qu’ils sont généralement situés sur les hauteurs, dans des endroits non accessibles en camion. Nous sommes alors obligés de monter à pied avec un seau-pompe dans le dos » explique le lieutenant Bernard Maes, chef du centre de secours de Saint-Martin depuis 2012.

Feux de brouissaille : des causes inconnues

Sur les réseaux sociaux, on peut lire beaucoup de théories sur les causes de ces départs de feu : bouts de verre faisant effet de loupe, mégots de cigarette mal éteints… L’un des incendies de Bellevue aurait été causé par une personne ayant voulu faire brûler un iguane, celui de Hope Estate par un agriculteur ayant faire cuire de la nourriture pour ses cochons… Mais le lieutenant Maes est sceptique : « on ne connaît pas vraiment l’origine ». Sa seule certitude est que « ces feux de broussaille sont dus à la négligence de quelqu’un ». Le colonel Gumbs renchérit : « il n’y a pas de départ de feu sans intervention humaine ». Il relativise toutefois le nombre récent d’incendies soulignant qu’il y en avait beaucoup plus dix ou quinze ans plus tôt, à cause de l’écobuage notamment (le fait de débroussailler par le feu). Les pompiers appellent cependant la population à redoubler de vigilance pendant l’actuelle période de sécheresse afin d’éviter de nouveaux incendies.

Le secours à la personne constitue la majorité des interventions

Lutter contre le feu ne constitue au final qu’une mince proportion des quelque 3000 interventions des sapeurs-pompiers de Saint-Martin. « 80% de nos interventions concernent le secours à la personne » indique le lieutenant Maes. Malaises, coupures et blessures…ils sont chargés de secourir les victimes d’accidents survenus sur la voie publique, ou les urgences à domicile. « Les malades à domicile doivent d’abord appeler le 15. C’est ensuite le médecin régulateur du SAMU qui selon la gravité ou l’urgence nous envoie en intervention » précise le chef de centre.

Le centre de secours de Saint-Martin fonctionne selon une convention de gestion entre la COM et le SDIS de Guadeloupe. Les sapeurs-pompiers sont donc recrutés par le SDIS de Guadeloupe et détachés à Saint-Martin mais c’est la collectivité qui finance leurs salaires et les frais de fonctionnement du centre.

La caserne, située à La Savane, compte vingt-neuf sapeurs-pompiers professionnels (vingt-et-un titulaires et depuis récemment huit CDD) dont six femmes. Ainsi qu’une trentaine de pompiers volontaires (dont cinq femmes). « L’équipe est à l’image de Saint-Martin » commente le lieutenant Maes pour expliquer qu’elle est composée de personnes d’origines diverses (Saint-Martinois, Guadeloupéens, Métropolitains, Français d’origine haïtienne ou dominicaine…), à l’instar de la population de l’île. « J’ai toujours souhaité que le personnel soit représentatif du creuset de Saint-Martin. On y arrive, ce qui a à la fois des avantages et des inconvénients. En tout cas ça les force à être plus tolérants et ouverts » ajoute le colonel Gumbs.

Des moyens humains insuffisants

Pour la taille de l’île, et malgré l’absence d’un autre centre de secours sur le territoire, le lieutenant et le colonel conviennent disposer de moyens matériels suffisants. La caserne abrite en effet trois ambulances, trois véhicules de secours et d'assistance aux victimes, deux fourgons pompe tonne d’une capacité de 2500 litres d’eau pour éteindre les incendies, un fourgon pompe tonne léger d’une capacité de 1500 à 2000 litres d’eau, un fourgon secours routier pour désincarcérer les victimes d’accidents de la route, une échelle EPAS de 18 mètres - ce qui suffit puisque les bâtiments de Saint-Martin ont rarement plus de trois étages, un dévidoir automobile pour aller chercher de l’eau à 1200 mètres s’il n’y a pas de poteau incendie à proximité (il y a environ 250 poteaux incendie sur le territoire) et un véhicule spécial pour pomper l’eau de mer, comme utilisé lors de l’incendie de Frigodom par exemple.

Ce qui manque au centre de secours ce sont surtout des moyens humains. Actuellement, il fonctionne avec quatre équipes de six ou sept professionnels qui effectuent des roulements toutes les 24 heures. « Pour être confortables il faudrait que nous ayons dix personnes par équipe. Et dans l’idéal, il en faudrait quinze » avance le colonel Gumbs, conscient que la COM a déjà fait de gros efforts. Soit au moins deux fois plus de personnel.

La collectivité a organisé un concours en 2018 pour recruter douze personnes. Elles ont toutes réussi l’examen et doivent effectuer leur formation en Guadeloupe. Cinq sont parties la suivre cette année en janvier et reviendront en novembre pour intégrer la caserne. Normalement les autres devraient partir en formation en 2020 pour revenir en 2021. Ce qui ne sera pas suffisant mais devrait tout de même soulager l’équipe.

« C’est psychologiquement que c’est le plus dur. A six ou sept par jours, nos pompiers sont stressés lorsqu’ils sont en intervention et apprennent qu’ils sont appelés ailleurs » confie le colonel Gumbs.

Un métier stressant mais valorisant

Au-delà du manque d’effectif, le métier de sapeur-pompier est stressant. « Il faut toujours être sur le qui-vive » avance le lieutenant Maes. « Quand on part sur un feu, on ne sait jamais ce que l’on va trouver » poursuit-il. En plus de quarante ans de service, entre la métropole, la Guadeloupe et Saint-Martin, il a été témoin de bien des situations tragiques. Mais lorsque, comme lundi soir, il tombe sur un jeune de vingt ans étendu sur la chaussée, il est toujours aussi touché. Et c’est encore plus dur pour les jeunes recrues. En Guadeloupe, les pompiers ont accès à un psychologue. A Saint-Martin, le centre de secours est en train de mettre en place la même chose.

Malgré ces difficultés, le lieutenant Maes ne changerait de métier pour rien au monde, et a d’ailleurs repoussé son départ à la retraite. « C’est vraiment devenu une vocation. Sapeur-pompier est un métier valorisant qui permet de garder la forme parce qu’on est obligé d’avoir une bonne condition physique » déclare le chef de centre de 63 ans, en expliquant que lors d’une journée type à la caserne, les pompiers ont une heure de sport quotidienne obligatoire. Mais ce qu’il préfère dans sa profession, « c’est rendre service à la population », qu’il remercie d’ailleurs pour sa confiance.

Fanny Fontan
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