15.04.2019

«Vous connaissez le code de l’urbanisme ? …. Le quoi ? »

Jeudi dernier a eu lieu une première audience consacrée à des affaires d’infractions au code de l’urbanisme. Le tribunal a notamment examiné celle de cette femme domiciliée à Concordia.

AA est âgée de 52 ans. Elle vend des sandwiches et est femme de ménage à la COM. Elle habite à Concordia où elle a hérité d’un terrain de sa mère. En 1998, elle dépose et obtient un permis de construire pour y édifier sa maison. En 2018, elle réalise une surélévation et fait l’objet d’un contrôle du service de l’urbanisme et plusieurs infractions sont relevées. Les deux principales étant la réalisation d’une élévation sans autorisation et le dépassement de la hauteur définie par le plan d’occupation des sols (POS) dans cette zone. Les services de la COM ont dressé un procès-verbal qu’ils ont transmis au parquet qui a décidé de la poursuivre.

«Lors de son audition par les gendarmes, à toutes les questions posées pour savoir si elle connaît les règles en matière d’urbanisme, elle répond non», explique la juge. Lorsque les gendarmes lui parlent du code de l’urbanisme, elle répond «le quoi ? » Elle adopte la même attitude à la barre et fait référence au «temps d’Albert Fleming» quand les contraintes semblaient moins grandes. «Mais le temps d’Albert Fleming c’était le siècle dernier ! », lui lance la juge.

«Tous les Blancs aux Terres Basses ont leur maison et on leur dit rien… J’ai eu un permis de construire et une prorogation», insiste AA. «Une prorogation qui était valable un an ! C’est-à-dire qu’en 1999, les travaux devaient être terminés», précise le tribunal. «Je prends mon temps pour faire ma maison. (…) Je fais toute seule ma maison le week-end, c’est quoi le problème ? », répond la prévenue. «On ne vous reproche pas de prendre votre temps», réplique la juge agacée par le comportement hautain de la prévenue qui, au lieu de l’écouter, explique sa situation à l’interprète. «Durant l’instruction de son dossier par les services de l’urbanisme, elle a aussi menacé et tenté d’intimider certains agents», fait savoir la responsable du service qui essuiera aussi une insulte à l’audience.

«Sa réaction n’est pas unique», commente le vice-procureur. «Mais elle doit savoir qu’on ne poursuit pas que les Saint-Martinois, on poursuit aussi des gens qui ont monté des murs trop haut aux Terres Basses, un hôtelier à la Baie Nettle», précise-t-il en exposant l’état d’esprit des autorités. «Après Irma, il est apparu pertinent de repartir de zéro. C’est pour quoi l’Etat et la COM ont mis l’accent sur le respect des règles d’urbanisme.»

AA a obtenu une prorogation pour réaliser une extension mais étant donné que les travaux ont été stoppés durant au moins un an, le chantier a été considéré comme terminé et le reprendre plus tard comme AA l’a fait, est considéré comme un nouveau chantier soumis à permis. La loi impose que, lorsqu’un particulier a fini ses travaux, il fasse une déclaration afin que les services de l’urbanisme les constatent et vérifient qu’ils soient conformes au permis de construire donné. Ce que AA n’a jamais fait.

De plus, elle n’a pas respecté le permis. Selon les premiers constats, la surface plancher est largement supérieure à celle accordée. Et la juge de lui faire alors comprendre que le montant de la taxe foncière qu’elle paie ne correspond pas à celui qu’elle devrait verser. «Madame dit aussi qu’elle a construit toute seule plus de 170 mètres carrés, or selon la loi, les travaux d’agrandissement supérieurs à 150 mètres carrés nécessitent le recours à un architecte, or elle n’en a pas sollicité», précise la responsable de l’urbanisme à la COM.

Entre 1998 et aujourd’hui, le POS a également été modifié. La maison de AA se trouve sur une zone soumise à fouilles archéologiques et à fortes contraintes en raison du risque inondation. Interrogée par les gendarmes sur ces deux sujets, AA répond ne pas savoir. «C’est la COM qui dit ça (…) Et je n’ai jamais vu d’eau sur le terrain», répète-t-elle à l’audience. «En 1998 vous aviez le droit de construire mais avec le nouveau POS (adopté en 2001, NDLR), vous ne pouvez plus faire comme vous le pouviez avant», lui fait remarquer la juge. De plus, à proximité, un terrain est réservé à la COM ce qui impose d’autres règles dont AA n’a pas tenu compte pour agrandir sa maison. Et ces non respects ne permettraient pas de régulariser la situation en l’état.

En ce qui concerne la hauteur de la bâtisse, elle est de 6,5 mètres. Or le POS la limite à 6 mètres. Dans l’hypothèse où une régularisation serait tout de même possible vis à vis des autres contraintes du plan d’occupation des sols, AA devra impérativement baisser la hauteur de sa maison. Ce qui risque ne de pas être facile, a souligné la juge, puisque AA a expliqué avoir coulé une dalle de béton sur le toit depuis le contrôle des services de la COM.

Descendre d’un étage la bâtisse avec une pénalité de 100 euros par jour de retard est l’une des peines requises par le parquet. «Ce qui est important c’est qu’il y ait une remise en état», insiste-t-il en demandant par ailleurs l’exécution provisoire et une amende de 6 000 euros dont 4 000 assortis du sursis.

Le jugement a été mis en délibéré au 4 juillet.

AA a été invitée par la responsable de l’urbanisme à se rapprocher de ses services pour déposer une demande en vue d’étudier les conditions de régularisation de sa situation. Dans l’hypothèse que la maison a bien été édifiée à l’endroit défini par le permis de construire, ce qui n’a pas encore été vérifié.

Estelle Gasnet
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