01.03.2019

Daniel Gibbs vs l'Etat : "quand on me cherche, on me trouve"

«Quand on me cherche, on me trouve», a déclaré vendredi matin Daniel Gibbs en séance plénière du conseil territorial. Et ces derniers jours, c’est l’Etat qui l’a trouvé. Le président de la collectivité n’accepte pas l’une des récentes décisions du gouvernement, celle de ne pas verser 25 millions d’euros, une somme pourtant promise.

Après le passage d’Irma, le Premier ministre avait annoncé lors de sa visite à Saint-Martin le 6 novembre 2017 que l’Etat compensera le manque à gagner en termes de recettes fiscales de la Collectivité pour assurer le fonctionnement de celle-ci. La somme estimée était de 62 millions, 12 millions en 2017 et 50 en 2018. Cela a été acté lors du protocole signé fin novembre 2017 entre l’Etat et la Collectivité à Paris.

Si les 12 millions ont bien été versés en 2017, il en n’est pas de même pour les autres 50 millions. «On a d’abord changé les règles. On nous a dit qu’en fait cette somme sera divisée et payée en quatre fois», commente Daniel Gibbs. Aussi 25 millions d’euros ont-ils été versés en septembre pour les deux premiers trimestre de l’année. Et récemment, l’Etat a annoncé à la COM que, finalement, elle ne touchera pas les 25 millions restants au motif «qu’elle disposait d’une trésorerie» conséquente en décembre 2017. Autrement dit qu’elle n’a pas besoin d’argent de la part de l’Etat. «Mais c’était de la trésorerie ! Elle était destinée à payer des fournisseurs, des dépenses engagées ! », explique le président de la COM. «Si on avait payé les fournisseurs avant qu’ils n’établissent les factures et que le travail soit accompli, le contrôle de légalité de l’Etat nous l’aurait reproché», ajoute celui qui était à Paris il y a quelques jours pour «attirer l’attention de la ministre des Outre-mer et du président de la République» sur ce sujet, lesquels doivent revenir vers la COM d’ici quelques jours. En sachant que «le non versement de ces 25 millions réduira la capacité d’autofinancement de la COM», conçoit Daniel Gibbs.

Une situation que Louis Mussington, leader du MJP, estime «inadmissible». «Il est clair qu’aujourd’hui l’Etat ne respecte pas un certain nombre de mesures prises», a-t-il confié. «Votre adversaire est dur», a-t-il commenté en s’adressant au président de la COM, «et ne s’intéresse pas aux préoccupations du territoire». Aussi Louis Mussington a-t-il saisi l’opportunité de lui suggérer de se combattre avec lui. «Etes-vous disposé à gérer le pays avec vos 18 élus (la majorité, ndlr) ou envisagez-vous qu’ensemble on puisse adopter une stratégie pour faire face» au gouvernement. Daniel Gibbs l’a remercié et a rappelé que déjà le conseil territorial permettait déjà d’acter de décisions en commun.

Par ailleurs, le président de la COM a annoncé qu’il détaillera lors du prochain conseil territorial qui sera consacré au budget 2019, les fonds reçus par l’Etat et les dépenses engagées par la COM pour la reconstruction. Et de glisser : «sur les 15 millions d’euros annoncés pour reconstruire les écoles et qui seront consacrés à la construction du nouveau collège 900 estimée à 20 millions d’euros, pas un centime n’a été versé. Que sur les 6 millions promis pour la reconstruction des logements sociaux, pas un centime n’a été versé.»

Concernant les 46 millions d’euros débloqués par l’Union européenne, «le droit de tirage pour reprendre l’expression de quelqu’un» (Philippe Gustin, délégué interministériel à la reconstruction, NDLR), était jusqu’au 31 décembre 2018. Cela veut dire que la COM n’avait que jusqu’à cette date pour programmer et payer des dépenses à hauteur de 46 millions. «Et encore, ces 46 millions devaient permettre de reconstruire des biens qui n’étaient pas assurés. Nous avons ainsi payé le nettoyage avec une partie, obtenu une dérogation pour réaliser les travaux de réfection dans les écoles et pour que ces dépenses puissent être engagées jusqu’en 2019», précise Daniel Gibbs. «Car on ne reconstruit pas le territoire en un an et demi», veut-il faire admettre.

«On nous dit qu’on va nous aider à remettre en marche le territoire et on nous envoie des inspections… On charge un peu trop la mule. Il ne faut pas oublier que la mule, elle est représentée par des humains», commente Daniel Gibbs. Toutefois, si certains voient en les agents de l’AFD et autres agents de l’Etat dépêchés pour accompagner la COM «l’œil de Moscou, des agents infiltrés pour voir ce que se passe dans les services», le président préfère y voir le côté positif. «Je n’ai rien à cacher. Je le prendrai mal si j’avais des choses à cacher alors que ce n’est pas le cas », a-t-il insisté.

Estelle Gasnet
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